IN MEMORIAM, JEAN LOUIS MOINE
Hommage à HAJJ Mohamed FAIQ, dit ROUDANI
Hâjj Mohamed FAIQ, dit ROUDANI, est décédé à Marrakech en janvier 2021.
LIVRE D'OR DES MINES DE L'IMINI - 1941
Bonne année aux Iminiens à l'occasion de YENNAYER, aujourd'hui premier jour de l'an Berbère.
LES VISITEURS DE LA MINE EN 1941
La France est coupée en deux, au Nord la zone occupée, au sud le régime de Vichy.
En souvenir de votre accueil. Imini le 15 février 1941, signé HULMAN
Nous ne savons pas qui est Hulman.. un géologue, un politique, un militaire... qui nous le dira ? Cinq semaines plus tard, le couple PAGNY (Suzanne et R.) sont invités par le PDG de la SACEM, M. Guy Boulinier.
Hostiles hier encore à ces lieux désolés...
Nous goûtons aujourd'hui à l'impérieux charme
De ces monts silencieux... de ces cîmes enneigées !
Merci à Monsieur Boulinier à qui nous devons
L'attention aimable de ce magnifique voyage !
Merci aussi à M. et Mme Moulinou
Pour leur charmant accueil.
Suzanne Pagny
J'espère à un prochain voyage
Retrouver l'Imini en pleine activité
Que cet aride paysage
Voie à nouveau une grande prospérité.
R. PAGNY
Qui était R.Pagny invité avec Suzanne Pagny par le PDG de la SACEM ?
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"Revenir ici, c'est renaître un peu" - 2 avril 1941
Signé ?
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Tout a été dit et je viens trop tard...
Que cela ne nous empêche pas de dire, tout platement et en prose, combien nous apprécions l'accueil charmant de nos hôtes. J'espère revenir bientôt pour voir l'Imini en pleine marche. 12 mai 1941- signé FRIEDEL
Il s'agit d'Edmond FRIEDEL, sous directeur de l'école des mines de Paris et simultanément directeur de l'école des mines de Douai (en zone occupée). Il est déchargé de l'école de Douai en 1941 et devient conseiller géologique du Protectorat marocain tout en restant sous-directeur de l'école des mines de Paris, occupée cependant par les bureaux de la Luftwaffe. Ce qui le dérangeait beaucoup car il avait été pilote de chasse lors de la guerre précédente. Il prit le risque de mettre la Luftwaffe sur écoute. Dès l'époque de sa visite à Imini il organisa la mise en valeur des ressources minières du Maroc. Il était protestant allié à la famille Peugeot. (voir plus bas quelques extraits de l' hommage d'un de ses successeurs à l'École des Mines de Paris)
A Paris, je me suis surpris, à rêver d'un étrange pays: On n'entendrait pas le poste radio de ses voisins,
L'air était pur et le ciel grandiose,
Les gens hospitaliers à la manière antique;
et il n'y a pas de cartes d'alimentation.
L'ami, à qui j'ai raconté ceci m'a pris
Pour un pauvre d'esprit
Mais ici, j'ai appris, que je n'étais fou qu'à demi,
Car ce qui est faux à Paris
Est vérité à l'Imini.
13 septembre 1941 - signé . VERRET. À quel titre M. Verret se trouve à Imini en septembre 1941? Il semble qu'il fasse partie d'un groupe d'élèves de l'École des Mines de Saint-Etienne, comme ceux qui vont suivre.
13 septembre 1941 - "D'accord" , Jacques CLERIN
Après l'École des Mines, Jacques CLERIN prépare une thèse avec le professeur JOLIBOIS et entre en 1942 chez Pechiney à l'usine de St Auban qui fabriquait du chlore. Parti en 1948 monter une usine de chlore à Indupa (Cinco Saltos) - Argentine -, il revient en France comme directeur des usines Calypso et La Praz en Maurienne de 1954 à 1959.
S'il ne te faut cher Imini
Que les presque vers d'un ami,
Je les accorderai sans peine
À la majesté souveraine,
Mais à quoi bien le poétique;
À la gloire de ton métal
J'ai trouvé plus original
De dessiner une cubique
Signé FLUQUET (ou Floquet), St-Etienne. 39-42
Autre élève de l'École des mines de Saint-Etienne, en visite en octobre 1941:
Tu t'es mis en quatre Imini
Pour accueillir des visiteurs
Qui venus en inquisiteurs
Sondent ton mystère infini.
Maintenant que tout est fini,
Ils abandonnent tes plateures ?
Sans avoir vu le Directeur,
Ils partent en catimini !
Pierre N. - St-Etienne 39-42
Après l'École des Mines de St-Etienne en septembre, ce sont les mineurs d'autres mines de manganèse qui sont reçus en octobre.
Les destins mystérieux m'ont conduit à connaîre, la charmante direction de l'Imini. De cet accueil charmant naîtra et préparera une union toujours plus grande des mineurs de manganèse. Merci pour la cordiale réception qui nous a été faîte. Signé BAUMANN, 16 octobre 41.
Remerciements à mon très sympathique voisin de l'au-delà de la montagne pour son charmant accueil. 16 octobre 41 signé Victor BABET, (géologue à Brazzaville).
Arrivé en catimini
Dans la région de l'Imini
Je repars aussitôt en car
Dans la direction de Dakar
Pressé, je ne puis
Comme le fit Monsieur Neltner
Mon administraion en ...
Comme le dit Monsieur Blondel.
Je repars convaincu de l'avenir
Et avec Monsieur Friedel
En garde un agréable souvenir
31 octobre 1941, signé Henri NICOLAS, Dakar
Henri NICOLAS, né le 21/6/1915 à Bry-sur-Marne (Seine), entré à Polytechnique en 1935, Nommé élève-ingénieur par décret du 19/10/1937. Service des mines coloniales. Nommé élève de 1ère classe le 12/7/1939. Nommé ingénieur de 3ème cl. au 1/6/1941 où il gagne la Société des Mines de Dakar.
Début décembre se tient la fête de la Sainte-Barbe.
Tout le personnel européen de la mine est rassemblé sur cette photo où on repère le directeur Moulinou avec sa pipe et le père Norbert avec sa soutane.
Courant décembre deux nouveaux venus arrivent à Imini.
Le bel horizon
Donne des frissons
Le manganèse
Nous remplit d'aise
Le blanc poulet
Deux ailes tendres,
Nous fait oublier
Sans plus attendre
Qu'ils vont partir
La fête va finir.
Le 18.12.1941. Charles G....
"Il a bien travaillé pour nous deux"
Signé, le tire-au-flanc: A.... 18 décembre 41
Aux bons ouvriers d'une grande oeuvre !
Imini, Gouk Melloul, Tidili, tous ces lieux
Dont l'appel vous ramène aux sites fabuleux
Où, sous un ciel de feu, la nature inhumaine
Cache jalousement, comme en une géhenne
La poudre gris de cendre aux durs reflets d'acier
Qu'engloutti le fourneau dans ton rouge brasier,
Vous faut-il les chanter sur le rythme sauvage
Du grand vent du désert, au souffle de l'orage,
Ou dans l'apaisement de la nuit étoilée
Qui rapproche les monts sous leur neige bleutée
Ou sous l'embrasement d'un soleil implacable
Grandissant les reliefs et piquant dans le sable
Des gouttes d'or fondu qui font pâlir le ciel ?
Non, car dans ce chaos monstrueux, irréel,
L'homme un jour apparût et, d'une main patiente
Commença d'arracher d'une gangue pesante
Les trésors enfouis sous les garas dorées.
L'on vit dans les replis sauvages, ignorés
De ces monts que hantait le mouflon solitaire,
Une étrange cité qui surgit de la terre,
Empruntant sa couleur aux roches d'alentour
Et sa forme, on ne sait à quel nid de vautour.
Une mine était née et, dès lors, le mystère
Qui donnait à ces lieux leur rude caractère
Comme fait la légende aux ruines des châteaux
S'est enfui, horrifié, sous les coups des marteaux!
Ne le regrettons pas. Et vous, djinns des ténèbres,
Hôtes de ces déserts, vos chevauchées funèbres
Devrait porter ailleurs, loin d'ici, votre vol;
L'homme vous a chassés, désormais, de ce sol !
C'est son oeuvre à présent, qu'il convient que l'on sente
Et ces hardis pionniers qui plantèrent leur tente
Les premiers en ces lieux; leur courage et leur foi
Les firent triompher patiemment, à la fois
Du désert,de l'ennui, des échecs provisoires,
Par la ténacité qui gagne les victoires.
Et si même, aujourd'hui, un nouveau coup du sort
Arrête, à son début, pour un temps, notre essor,
Ils ne renoncent pas, ils gardent leur confiance
En leur oeuvre aussi bien qu'en notre reconnaissance
Ils sont récompensés, car le succès est là;
... Et, s'il en reste peu, vous êtes de ceux là !
Décembre 1941 LELOUTRE
Georges LELOUTRE, ingénieur civil des mines, adjoint au directeur général de la Cie Mokta El Hadid.
Ce dernier poème de Georges LELOUTRE montre la foi des pionniers d'Imini en un avenir meilleur. Onze mois plus tard, le 9 novembre 1942, l'opération anglo-américaine TORCH prend pied au Maroc et en Algérie, faisant renaître l'espoir à Imini.
En 1941, la production de Manganèse à Imini a été bien inférieure à celle de 1940 ( cinq fois moins) mais en raison des réserves en stock cela a permis de s'ajuster car les ventes n'ont regressé que de moitié par rapport à 1940.
Hommage à Edmond Friedel
Les visiteurs d'Imini sont venus comme des bonnes fées veillant sur le berceau de la SACEM à Imini. Les commentaires sur les personnes qui se sont déplacées pour soutenir la mine d'Imini en 1941 sont les bienvenus.
ROUTE ET / OU TUNNEL À PROXIMITÉ D'IMINI-BOUTAZOULT?
BONNE ANNÉE 2021 À TOUS LES IMINIENS
Marrakech-Ouarzazate : ROUTE ET / OU TUNNEL ?
Vous n’échapperez pas à un exposé technique, que j’ai sérieusement écourté par rapport aux exposés des services de l’Equipement de la Wilaya de Marrakech - Province d’Al Haouz.
Un article illustré abondamment est déjà paru sur le blog, traitant des travaux gigantesques transformant la route du Tichka en une voie-express coupant tous les virages de Touflith jusqu’à Agouim inclus, nouveau « projet d'amélioration du niveau de service et de sécurité de la route nationale 9 reliant Marrakech et Ouarzazate ». La route est divisée en tronçons, sur 94,40 kms.
« La nature des travaux est très ambitieuse et envisage l’amélioration des caractéristiques géométriques en tracé en plan et en profil en long, élargissement et renforcement de la route, aménagement de la route avec création de la troisième voie pour les poids-lourds au niveau des rampes fortes sur une longueur d'environ 20 kms, aménagement de 12 carrefours, de 18 arrêts de bus, de bandes cyclables sur 16.4 kms, de deux aires de repos, de 14 bandes d'arrêt d'urgence, construction de 11 ouvrages d'art, travaux d'environnement (grillage de protection contre les chutes de pierres, murs de soutènement), équipements et dispositifs de la sécurité routière (bandes de signalisation sonore, murets de protection, glissières de sécurité, signalisation horizontale et verticale). » C’est dire qu’on coupe allègrement les virages en épingle à cheveux, si dangereux pour les véhicules se croisant, et qui ralentissent la circulation. Le objectifs affichés en disent long : « amélioration du niveau de service, du niveau de sécurité, réduction du taux d'accident, du temps de parcours, des durées de coupures, amélioration de la fluidité de la circulation. Coût global estimatif : 1.022,33 millions de DH. »
Les chantiers sont lancés tous ensemble, ce qui rend la circulation difficile, les véhicules roulant souvent dans des ornières, sur des gravats, des tas de terre, au bord des tranchées, dans un désordre « bien organisé ». Les pluies rendent les conditions pénibles, avec des camions avançant à 20 kms/h parfois, sur des dizaines de kilomètres. Heureusement les points d’arrêt habituels pour les routiers demeurent, leur permettant de connaître un certain répit dans la traversée de l’Atlas.
Photo 1 - carte des chantiers de Marrakech à Ouarzazate.
=> « Lot N° 1 : section reliant Taddart 2 et le col de Tichka. Longueur 13,5 kms. Etat actuel de la section : route montagneuse et sinueuse, chaussée dégradée, route étroite avec virages très serrés, pentes fortes. Nature des travaux : amélioration des caractéristiques géométriques en tracé en plan et en profil en long, élargissement et renforcement de la route, aménagement de la route avec création de la troisième voie pour les poids-lourds, construction des ouvrages d'assainissement, construction d'un ouvrage d'art, travaux d'environnement (grillage de protection contre les chutes de pierres, murs de soutènement), équipements et dispositifs de sécurité routière (bandes de signalisation sonore, murets de protection, glissières de sécurité, signalisation horizontale et verticale). Coût 178.000.000 DH. Avancement : travaux achevés.
=> Lot N° 2 : Section reliant Toufliht et Taddart 2. Longueur 30,5 kms. Etat actuel de la section : route montagneuse et sinueuse, chaussée dégradée, route étroite avec virages très serrés, plusieurs sections ont été emportées par les crues de novembre 2014 et réparées provisoirement, pentes fortes. Nature des travaux : amélioration des caractéristiques géométriques en tracé en plan et en profil en long, élargissement et renforcement de la route, aménagement de la route avec création de la troisième voie pour les poids-lourds au niveau des rampes fortes sur 5,525 kms, aménagement d'un carrefour, aménagement de deux aires de repos, construction des ouvrages d'assainissement, construction de 3 ouvrages d'art, travaux d'environnement (murs de soutènement), équipements et dispositifs de la sécurité routière (bandes de signalisation sonore, murets de protection, glissières de sécurité, signalisation horizontale et verticale). Coût 462.500.000 DH. Avancement : 45 % des travaux en cours.
=> Liaison Aït Ourrir-Toufliht. Longueur 26 kms. Etat actuel de la section : route vallonnée et sinueuse, route étroite avec virages serrés, pentes moyennes. Nature des travaux : amélioration des caractéristiques géométriques en tracé en plan et en profil en long, élargissement et renforcement de la route, aménagement de la route avec création de la troisième voie pour les poids- lourds, aménagement d'un carrefour (direction Telouet), aménagement d'aires de repos, aménagement de bandes d'arrêt d'urgence, construction des ouvrages d'assainissement, construction de 3 ouvrages d'art, travaux d'environnement, équipements et dispositifs de la sécurité routière (bandes de signalisation sonore, murets de protection, glissières de sécurité, signalisation horizontale et verticale). Coût : 190.000.000 DH. Avancement : lancement du marché travaux programmé en 2019.
=> Liaison Toufliht-Taddart 2. Longueur 30,5 kms. Etat actuel de la section : route montagneuse et sinueuse, chaussée dégradée, route étroite avec virages très serrés, plusieurs sections ont été emportées par les crues de novembre 2014 et réparées provisoirement, pentes fortes. Nature des travaux : amélioration des caractéristiques géométriques en tracé en plan et en profil en long, élargissement et renforcement de la route, aménagement de la route avec création de la troisième voie pour les poids-lourds au niveau des rampes fortes sur 5,525 kms, aménagement d'un carrefour, aménagement de deux aires de repos, construction des ouvrages d'assainissement, construction de 3 ouvrages d'art, travaux d'environnement (murs de soutènement), équipements et dispositifs de la sécurité routière (bandes de signalisation sonore, murets de protection, glissières de sécurité, signalisation horizontale et verticale). Coût: 462.500.000 DH. Avancement : 45 % des travaux en cours.
=> Liaison entrée de Marrakech par Bab Ghmat et Ait Ourrir. Longueur 18 kms. Etat actuel de la section : chaussée dégradée, route étroite par rapport au trafic, trafic des deux roues important, carrefours non aménagés. Nature des travaux: dédoublement de la route sur 17.8 kms avec création d'un TPC, aménagement de 9 carrefours, aménagement de 18 arrêts de bus, aménagement de bandes cyclables sur 16.4 kms, construction des ouvrages d'assainissement, construction de 2 ouvrages d'art, équipements et dispositifs de la sécurité routière (bandes de signalisation sonore, murets de protection, glissières de sécurité, signalisation horizontale et verticale). Coût 149.000.000 DH. Avancement : achevés.
=> Liaison contournement de la ville d'Ait Ourrir. Longueur 6,50 kms. Etat actuel de la section : chaussée dégradée, route étroite par rapport au trafic, carrefours non aménagés. Nature des travaux : aménagement de bandes cyclables, aménagement d'un carrefour, aménagement d'arrêts de bus, construction des ouvrages d'assainissement, construction de 2 ouvrages d'art, équipements et dispositifs de la sécurité routière (bandes de signalisation sonore, glissières de sécurité, signalisation horizontale et verticale). Coût 44.000.000 DH. Avancement : 95% (en arrêt, en attendant l'élaboration et l'approbation de l'avenant de l'OAPk 275+800 »
Photo 2 Rouleau compresseur dans une longue courbe remplaçant une épingle à cheveux.
L’idée, germée sous le Protectorat, de percer un tunnel sous l’Atlas, voulait supprimer les difficultés de traversée de la montagne, aux fermetures inopinées consécutives aux chutes de neige, aux délais de route.
Et tout iminien se souvient des nombreux virages dangereux du Tichka, très accidentogènes. Une circulation de voitures, de camionnettes, et surtout de gros camions transportant le minerai jusqu’à Marrakech, malgré l’existence du téléphérique d’Aguelmous. Tout iminien connaît cette situation, et le sujet avait été traité par notre ami Jean-Marie DECAILLOZ dans un article du blog à la date du 31 mai 2008.
Périodiquement, le projet de tunnel refait surface. Aujourd’hui, la Presse marocaine traite le sujet, qui semble émaner du gouvernement, et qui commande enfin l’« Etude de faisabilité de tunnel sous l’Atlas ». Pour cela deux trajets sont soumis à examen dans le cadre d’une liaison Marrakech- Ouarzazate : par la vallée de l’Ourika et sous le Tichka.
Sachant que la route du Tichka vient de connaître une rénovation de grande envergure, en cours de finition, et que la distance sous Tichka est largement supérieure à celle de l’Ourika (60 kms contre 14), la deuxième option occupe une place préférentielle.
Les objectifs sont clairs : sécurité routière, raccourcissement des temps de trajet, désenclavement de la région de Ouarzazate, qui prend de l’importance, et dont la centrale solaire attire déjà d’autres activités industrielles.
Grosso modo, le gain de kilomètres par le passage sous le Tichka ne serait que de 7,5 kilomètres, et son taux de rentabilité interne de 5%. Tandis que le passage par l’Ourika serait de 54 kilomètres, avec un taux de rentabilité de 10%. La balance penche fatalement pour l’Ourika, à première vue. D’autant que l’entreprise TERRASOL, chargée des études de faisabilité, fournit quelques précisions : « le tunnel de l’Ourika est un projet d’infrastructure routière majeur, comparable au tunnel du Mont Blanc en de nombreux points : sa longueur d’environ 10 km, l’absence d’alternative pour un franchissement en surface, le caractère cristallin du massif, la hauteur de couverture supérieure à 1000 m. »
Photo 3 carte présentant le projet de tunnel ferroviaire 1950, passant par l’Ourika (document J-M Decailloz).
Dans cette optique, le contribuable peut se poser la question de savoir pourquoi la route du Tichka a été considérablement améliorée. Néanmoins, les deux itinéraires, Ourika et Tichka sont complémentaires. Ce sont deux régions qui nécessitent une ouverture et un développement en urgence, indispensables aux populations, grâce à des communications transversales entre les deux routes, dès la sortie de Marrakech et même un peu plus loin dans la vallée, entre Aït Ourir et Souk el Tnine, qui permettront de désenclaver aussi la vallée du Zat, celle où arrivait l’ancien téléphérique, à Talatast. (cf article du 08 mai 2010 Le téléphérique du Zat, d’Aguelmous à Talatast -Jacquet-).
Les études sont en cours pour les deux options, et le tunnel sous le Tichka n’est pas éliminé d’entrée.
En ce qui concerne les iminiens, et l’intérêt qu’ils portent à leur territoire, ils seraient davantage intéressés par le projet Ourika, dont le tracé final passerait par la vallée de l’assif n’ Tidili, les villages miniers de Bou Tazoult, Timkkit, Sainte Barbe-Ouggoug, avant de rejoindre la route de Ouarzazate au niveau de l’« embranchement » bien connu de nous tous.
Des ouvrages d’art, un élargissement (à 8 mètres) et un détournement de la route desservant les sites miniers sont prévus. Un pont remplacerait le gué de Sainte Barbe-Ouggoug, se prolongeant par un nouveau tracé de route contournant la maison du directeur par l’arrière, évitant ainsi le village. Il faudra résoudre le problème de la traversée de Timkkit, à cause de la poussière générée par la laverie et les stocks extérieurs de minerai. A Bou Tazoult, la route couperait devant le borj et le déversoir à stériles, ... et ensuite direction Aoulouz, pour accès au tunnel et/ou jonction avec la route d’Agadir. Là encore des possibilités de transversalité vers Agouim et Igherm.
Bientôt les pluies et les inondations n'empêcheraient plus les liaisons entre Marrakech et les provinces du sud.
Avant de partir en retraite, le directeur SACEM, Mr BENJILANY, avait lancé un chantier de rénovation des bâtiments de tous les villages existant, un bornage de la route, mis en place un gardiennage de Bou Tazoult, etc ... Délit d’initié ou intuition majeure ?
Tout un chacun se posait la question de l’utilité d’une telle initiative, onéreuse à plus d’un titre.
On en comprend mieux la raison aujourd’hui : une valorisation des villages destinée à réutiliser l’équipement local, ou à « vendre » au mieux le site à des promoteurs immobiliers et industriels susceptibles d’investir sur place !
Nous autres, anciens iminiens, pouvons-nous faire la fine bouche ? Réjouissons nous de cette éventuelle résurrection. Nos villages, solides, demeureraient debout, et airnb pourrait s’y intéresser (lol). Y retournerons-nous comme vacanciers locataires ?
Restera à trouver de l’eau, à réinstaller l’énergie électrique. Ouarzazate, avec son barrage et sa centrale solaire pourraient y pourvoir, quoique les sécheresses successives influent déjà sur la baisse du niveau de réserve. Et il faudrait d’énormes travaux pour les canalisations.
Le projet se réalisera-t il ? Serons-nous encore là pour le voir ? J’aimerais assister à cette concrétisation, qui introduirait une modernisation, et une ouverture à ces territoires ruraux enclavés, dont les populations vivent chichement, repliées sur elles-mêmes, à cause de leur éloignement et d’un réseau de pistes inconfortables. Les véhicules de transport verraient leur mécanique épargnée.
L’engagement de l’Etat sur le plan financier décidera de la réalisation, dans quel délai ? 70 ans sont déjà passés depuis les premières propositions ...
D’aucuns sont inquiets de cette initiative : commerçants, restaurateurs placés sur le ruban du Tichka craindraient pour le détournement leur clientèle. Qu’ils se consolent en pensant qu’un sud désenclavé recevrait davantage d’échanges commerciaux, un accroissement du tourisme, la création d’entreprises, ... et pour les voyageurs le plaisir de faire escale sur une route plus facile.
Merci à Jean-Yves TRAMOY pour cet article qui termine l'année 2020 et prépare l'année 2021.
Fatima BELKHEIR
Bou Tazoult, VILLAGE OUVRIER
Dans la grande série « les villages des mines d'Imini »
Bou Tazoult, village ouvrier.
photo 1: vue générale de Bou Tazoult photographe BERTRAND Marrakech 1962
Une belle « forêt » encore naissante agrémente le paysage.
Avertissement de l'auteur : la jeunesse a l'excuse de la jeunesse, elle amplifie les impressions, transforme les souvenirs, exalte les faits. Que le lecteur lui pardonne les erreurs « poétiques » et les corrige par ses commentaires bienvenus.
Une promesse est une promesse, je la tiens aujourd'hui. Certains souhaitaient lire au plus vite la suite de mes précédents articles. J'y avais numéroté les maisons à ma façon, pour que chacun puisse repérer la sienne ou les siennes, tant il est vrai que beaucoup d'entre nous ont changé de domicile pour cause d'agrandissement de la famille.
Mais la vie réserve des surprises. Vous savez que, depuis longtemps, je suis un « chasseur de têtes » iminiennes. J'obtiens, grâce à mon entêtement et à des contacts privilégiés (que je tairais ici), des résultats dont je fais profiter l'ensemble de la communauté iminienne. Il n'y a pas d'ostracisme, chacun a droit à sa part s'il est équipé d'internet, et s'il ne la refuse pas. Ca n'est pas encore arrivé, mais tous les goûts sont dans la nature. Chacun a ses raisons !
Pour ce reportage portant sur l'urbanisme des mines d'Imini, des surprises viennent d'un document (daté de 1965) retrouvé dans les archives de mon père, et surtout d'une collection de clichés datant de l'année 1962 tirés de celles de l'ancien directeur d'exploitation André GORICHON. Comme je le faisais remarquer à Olivier GORICHON, qui les met à notre disposition aimablement, nous possédons tous des trésors enfouis dans nos albums, classeurs, placards, greniers, caves, laissés de côté. Nous en avons connaissance, … ou pas. Parfois ce sont des documents familiaux, d'autres fois professionnels, ou touristiques. Mais ils ont tous leur intérêt pour tisser ou retisser la toile entre nous : les particularités de l'un servent aux autres pour recoudre leur propre histoire. Faisons abstraction de nos différences, de notre timidité, de notre pudeur, mettons en commun ces pièces qui sont le MUSÉE de notre existence. Ce musée a été évoqué déjà dans des articles précédents pour être constitué avec les matériaux et matériels réformés de la mine, mais celui-ci, beaucoup plus virtuel et mémoriel, est facile à mettre en place, si nous acceptons de « transmettre ou prêter » ce que nous possédons dans nos bibliothèques, dans nos armoires, dans notre mémoire. Même des photos de familles peuvent éveiller en nous des souvenirs ou nous donner des renseignements sur les modes de vie. Pierrette TEYSSIER, en son temps, avait manifesté la volonté de nous transmettre la collection inestimable Noir et Blanc de son mari Yvon.
Les surprises survenues depuis peu m'ont obligé à corriger mon écriture, à modifier mon exposé sur l'urbanisme des mines d'Imini, urbanisme dont je suis un fervent admirateur, mais qui, pour moi, n'est qu'un puits de questionnements, n'en connaissant ni l'instigateur, ni le(s) concepteur(s), ni le(s) bâtisseur(s). Ici, je m'appuie sur le plan officiel de l'implantation datant de 1965 (tout y est numéroté officiellement, suivant l'ordre de construction m'avait assuré Jean-Marie DECAILLOZ), et j'illustrerai à l'aide de ces plans dressés par les géomètres et dessinateurs de la mine, agrémentés de photos tirées de la collection TRAMOY (photographe PIGNEUX Marrakech 1954) et de la collection GORICHON (photographe BERTRAND Marrakech), ainsi que d'autres « piochées » sur des blogs. Note de l'auteur : je me suis permis cette liberté au nom de l'intérêt de tous les lecteurs, y compris des auteurs de ces photos, que je remercie ici.
Une dernière précision : depuis 1965, peu de changements sont intervenus, la grande épopée de construction arrivait à son terme, nous verrons peut-être si d'aucuns viennent me contredire sur ce point. Ce que j'apprécierais.
Aborder les mines de l'Imini nécessite de remettre en mémoire les sites, les noms.
photo 2 : plan de la concession minière en 1965
Cette vue d'ensemble indique les oueds (plus ou moins constants suivant une pluviométrie inégale), les routes et pistes, les limites de la concession minière, les altitudes, … Une mine d'informations dans laquelle les cours d'eau donnent leur nom aux lieux, Tidili, Bou Azzer, Timkkit, Boulgir, … On reconnaît le tracé sinueux des oueds secs, que nous traversions ou longions sur la route reliant Sainte Barbe, ou lors de nos courses dans les villages.
photo 3 : Bou Tazoult, plan du village ouvrier, photo Pigneux Marrakech 1954
Bou Tazoult est le chef lieu des mines, centre des infrastructures techniques, et draine la majorité de la population dans le village marocain d'une part et dans le village européen d'autre part, autour des écoles, du bloc cantine-cinéma-commerces, …
NDLR : curieusement, sur le plan le village ouvrier est intitulé « village n° 1 », tandis que le village européen, que nous verrons plus loin, est intitulé « village n° 0 ».
Cette vue panoramique, prise de la colline de Bou Azzer, embrasse l'essentiel des installations minières avec, de l'avant vers l'arrière, à gauche : la bascule, la laverie, la centrale électrique, les magasins. Sur la droite du pont : les trémies de chargement, le parc à bois, les ateliers. Tout au fond, dans la lumière, on distingue le puits de Tifersine.
Au plus près des services techniques de la mine, dont nous ferons abstraction dans cet exposé, et de l'exploitation proprement dite (la première descenderie), le village des familles d'ouvriers occupe les flancs du jebel, en face de la laverie, et se déploie au pied de la colline de Bou Azzer. Il est l'exemple de toute cité minière typique se voulant source d'égalité parfaite et symbole de solidarité : les logements y sont collés les uns aux autres, strictement identiques, alignés avec harmonie non loin du site du travail quotidien. A l'origine, ils ont été peints avec ce rose joyeux qui caractérise le site d'Imini, mais qui subit au fil du temps l'avilissement du noir minerai.
photo 4 vue panoramique des installations minières et du village ouvrier, cliché Pigneux Marrakech 1954
Les barres d'habitation, doublées dos à dos, sont parfaitement alignées, épousant les pentes dirigées vers les rives de l'oued, arborées de Takaout Beldia et de petits buissons épineux que les ovins viennent brouter, et dans lesquels les enfants viennent jouer. Au premier plan, un îlot de commerces occupe la place centrale, agrémenté d'une galerie les protégeant de la chaleur. Deux autres séries de commerces sont situées plus haut en bout d'une rangée de logements.
En 2020, malgré leur abandon, les bâtiments résistent vaillamment aux intempéries et aux effractions, construits avec soin, avec des matériaux de qualité : les pierres apparaissent entre les plaques d'enduit ciment déchirées. Tout est encore debout, disponible pour de nouvelles familles. Des mineurs ? Qui dit mineur dit extraction, d'où présence de minerai suffisament riche et abondant pour être exploité.
photo 5 vue des commerces vers le village européen, cliché Pigneux Marrakech 1954
Sur la gauche de ce cliché, on devine la constitution du logement ouvrier type, avec une courette précédant deux ou trois pièces d'habitation. Chaque logement adopte le style local, avec une porte cintrée de style islamique. Cette rangée aboutit au minaret de la modeste mosquée, surplombant le centre du village, siège de la salle de prière, de l'école coranique dirigée par un fqih dont les petits élèves étaient effrayés par la badine « caressante » sitôt qu'une erreur était repérée dans la récitation des sourates.
Le gros bâtiment central est celui des commerces sous arcades. Le dos du bâtiment est réservé aux douches « municipales » reconnaissables au tas de bois de chauffage pour la production d'eau chaude : un grand progrès en cette année 1954. Cet établissement devait vraisemblablement avoir un règlement d'utilisation, comme pour les hammams, fixant les horaires répartis entre les femmes et les hommes. Pour les commodités hygiéniques, des édicules servant de toilettes sont répartis en plusieurs points du village.
photo 6 les commerces et la fontaine-lavoir en 2010, cliché Tramoy
Conçu pendant les années 40-50, le plan d'urbanisme ne néglige rien, mettant à disposition des ménages des fontaines-lavoirs pour y prendre l'eau et laver le linge en commun, comme on le voyait naguère dans nos villages européens. Lieu de vie, de rencontres féminines, de bavardages, … et sans doute point de départ de « chikayas ».
photo 7 arcade des commerces en 2010, cliché Tramoy.
photo 8 couloir des arcades en 2010, cliché Tramoy
Au coeur du village la vie se distribue autour des trois galeries de stalles commerciales où les épiceries, légumes, boucheries, bazar, tissus drainent leur clientèle, tandis que la boulangerie et des boucheries ont traversé l'oued, proches de gourbis rassemblés là pour abriter des travailleurs n'appartenant pas au personnel de la SACEM. Cette boulangerie mériterait à coup sûr un exposé sensoriel : on la humait depuis 50 mètres ; attiré par les odeurs de pain cuisant au feu de bois, on accédait au fournil en descendant quelques marches.
photo 9 la ruelle de la boulangerie désertée et envahie d'herbes folles, cliché issu des blogs
photo 10 Si Bousta l'unique commerçant en 2010, cliché Tramoy
Lorsque l'exploitation a cessé, les familles s'en sont allées, le village s'est vidé, ainsi que tous les commerces SAUF UN, qui a résisté jusque dans les années 2010 : Si Bousta, qui servait de bazar et d'épicerie bien fourni. Il assurait le service des villageois lointains, et a eu raison de maintenir son commerce puisque l'exploitation a repris avec des tâcherons. Un temps il a émigré dans l'économat de la cantine, puis est parti installer son commerce à Timkit. Un article lui a été consacré sur le blog précédemment, dans lequel nous racontons nos échanges avec cet homme très sympathique (« 26 mai 2011, Bou Tazoult, le rouge te va si bien ! » et 10 août 2016 « Des iminiens s'installent à Marrakech »)
photo 11 la première école, cliché Pigneux Marrakech, 1954
photo 12 les deux rangées de préfabriqués en 2010, cliché Tramoy
Au village original des années 50 sont venues s'ajouter deux rangées de bâtiments en préfabriqué installés entre celui-ci et l'école de Bou Tazoult. Le groupe scolaire sert de démarcation entre quartier ouvrier et quartier européen. Et c'est logique puisqu'au début il fut le premier bâtiment de scolarité construit, avec une entrée de chaque côté tournée l'une vers le village ouvrier, l'autre vers le village européen. La moitié des classes est dévolue aux enfants marocains, l'autre moitié aux européens, toutes se remplissent vite, les candidats sont nombreux. Sur le cliché de 1954 on voit un ancien camion GMC chargé de minerai, sans doute venant de la bascule et partant pour les lacets du Tichka ou le téléphérique d'Aguelmous. Notons que le château d'eau de Bou Azzer n'existe pas encore. Les plantations vont bon train, les ouvriers s'activent çà et là, et le plateau du tennis a été aplani.
A l'école exercent le directeur Roch-Louis Romano, ainsi que son épouse Anièce, et des maîtres marocains.
photo 13 Mr Romano en exercice, cliché Pigneux Marrakech 1954
Cette école est un tremplin de réussite pour de nombreux élèves, autant filles que garçons, qui ont bénéficié là d'une éducation, d'un enseignement de haut niveau et de l'opportunité d'une ascension sociale rapide. Les témoignages de reconnaissance, reçus par Mr Romano, encore aujourd'hui, viennent de professeurs de faculté, de syndicalistes, de chefs d'entreprise, d'enseignants, d'infirmiers, etc … tou(te)s issu(e)s de cette formation scolaire iminienne.
Pour l'histoire, la mixité est assurée, la fillette au tableau est Fatima El Mekki, tandis qu'un élève plus curieux que les autres lorgne du côté du photographe. Il se reconnaîtra, … et se dénoncera peut-être. Belle harmonie de classe où l'écriture est mise en avant et la discipline imposée. Je peux témoigner que Mr ROMANO a conservé son écriture magnifique, et si nos ministres de l'Education nationale pouvaient s'en inspirer, au lieu de privilégier des méthodes d'apprentissage radicalement désastreuses pour l'orthographe … On nous ferait croire que, maintenant, la moitié des élèves sont dyslexiques. Félicitation aux élèves d'origine marocaine qui ont appris en même temps l'alphabet arabe et l'alphabet latin, avec les langues correspondantes. Leçon à tirer ??
Digression de l'auteur : en 1958-59, j'ai eu le privilège de fréquenter cette école, de me découvrir des amis marocains, en compagnie de Jean-Louis et de Françoise. J'en ai conservé d'excellents principes d'approche inter-ethnique, beaucoup de souvenirs agréables et de relations fructueuses depuis ce CM2, qui perdurent. Il est vrai que d'être issu d'une lignée de mineurs de charbon à la fois du Pas de Calais et de Bourgogne facilite l'adaptation et la camaderie.
La première maison jouxtant cette école est justement le logement de la famille Romano.
Je quitte ce village et cette école en conservant le souvenir des bruits, des cris, des appels, des jeux, des camionnettes de livraison, des cars, des voitures, tous ces sons qui signent l'animation, la vie, l'activité naturelle d'une cité peuplée, de la sortie d'école chahuteuse de bousculades.
Aujourd'hui le silence pose une chape de plomb sur un village entièrement repeint : un décor de cinéma donnant l'illusion qu'un être vivant sortira bientôt d'une maison pour se rendre dans un commerce chercher sa subsistance. Rêve opéré les yeux ouverts, je reste l'oreille aux aguets. Dans le lointain retentit l'aboiement d'un chien, sans doute celui d'un des gardiens du site, qui me rappelle que je suis seul au milieu de ces vestiges d'un autre temps.
En levant le regard vers la droite apparaît le bordj, construit dans le début des années 50 sur la colline surplombant la cantine d'un côté et la laverie de l'autre, qui veille sur la région à 360°.
photo 14 le borj en mauvais état, cliché issu des blogs
Un bataillon de goumiers l'occupait, défilant lors des cérémonies, qui assuraient la sécurité pour prévenir des interventions intempestives voulant mettre en danger l'économie minière lors de la période de contestation du Protectorat. Jacques ZOUDE le nordiste (de France) est l'un de ces jeunes goumiers et resté fidèle à Imini, marqué par le lieu et succombant au charme d'une jeune et jolie iminienne.
Si le bâtiment est massif dans ses pierres, s'écoulant comme une lave sur la pente de la colline, pour opposer ses fortifications aux agresseurs, maintenant la dégradation intérieure laisse supposer sa ruine prochaine. Visiblement le confort n'était pas une priorité tant les locaux paraissent frustes et étriqués. A la guerre comme à la guerre ! Oui, mais … quand même : le rata et la boisson sont le réconfort du soldat.
De là-haut le panorama est magnifique, dominant l'ensemble des villages, de l'exploitation, avec une vue imprenable mettant l'Atlas à portée de main. La route bitumée desservant Bou Tazoult, les installations minières et le chef-lieu minier longe le pied de la colline, en un cordon bordé par le noir manganèse de la laverie, avant de laisser place aux pistes pierreuses desservant le fond de vallée vers l'Assif Tidili.
Aujourd'hui que le plateau de la mine est abandonné, la route d'accession au borj a été modifiée : elle ne part plus de la cantine, mais de l'emplacement de la laverie démontée.
Vous l'avez compris, chers amis lecteurs, qu'il ne manque que l'expression de la vie humaine sur le site de Bou Tazoult. Donnez vie à ce texte en le commentant et en y apportant vos propres documents.
photo 15 le plan du village européen
L'appétit vient en lisant, et ce plan vous fournit les morceaux manquants de l'école et du borj. Et vous offre aussi la découverte du village européen en avant-première.
Suite au prochain numéro..
VISITE DES MAISONS DE BOUTAZOULT AU PRINTEMPS 2019, 3ème tableau
Jean-Yves TRAMOY pousuit le récit de sa visite, par un troisième chapitre illustré et s'adresse à ses contemporains:
Bonjour à tous, anciens iminiens et amis de toujours,
Je n'ai pu tenir ma promesse de faire paraître la suite de mes reportages sur Bou Tazoult aussitôt après les articles sur Sainte Barbe-Ouggoug, sur Timkkit et sur l'arrivée à Bou Tazoult. Il faut dire que chaque jour m'apporte un lot de petits travaux à réaliser à la maison (avez-vous déjà attaqué le tri et le rangement délaissés depuis plus de 40 ans ?), d'autant que ma vitesse d'exécution n'est plus aussi rapide qu'avant.
Oui, certains d'entre vous sont peut-être déçus d'avoir patienté plus longtemps que prévu pour découvrir ce nouveau chapitre, … mais il m'a fallu écrire (ça va encore), mettre en page (un peu de travail), et annoter les photos (ça m'a pris plus de temps que je ne le pensais, en corrigeant sans cesse des erreurs. Et c'est loin d'être parfait). Pas facile de se repérer sur le plan d'urbanisme. Depuis mon départ en 1968, des maisons ont été construites, et toutes sont apparues dans leur nudité minérale : finalement beaucoup de changement !
=> Note après rédaction et parution de l'article (début août 2019) : je réalise soudain que le plan d'urbanisme existe, à la disposition de chacun, en permanence. Il suffit d'aller sur Google map et de copier, de grossir, d'agrandir, … et tout simplement de regarder l'emplacement des bâtiments. Que n'y ai-je pensé plus tôt ? Sans aucun doute mon incompétence en informatique !
Comme nous l'avons vu dans l'épisode précédent, se promener dans le village de Bou Tazoult est devenu difficile. En premier lieu mon temps de redécouverte est toujours raccourci par de nouvelles rencontres, et, de plus, je ressens l'impression de ne pas pouvoir m'y promener en ancien iminien, mais plutôt en étranger dans un village qui fut le mien. La sensation d'un « fantôme » revenu sur les lieux de sa vie terrestre antérieure … Si le village était encore habité par ses anciennes familles occupantes, elles auraient vite fait de me traiter de zombie !
Néanmoins le plaisir de fouler à nouveau la terre d'Imini, de parcourir le site, de retrouver les maisons, tout ça compte beaucoup pour le visiteur fugace que je suis en ce dimanche après-midi. Il ne manque que les odeurs, les bruits, le frémissement des arbres. Le ciel est d'azur, comme au plus beaux jours de l'été : les couleurs en profitent pour se montrer au meilleur de leurs nuances, celles qui faisaient le bonheur des artistes peintres (Mr ROMANO et Dr GORCE) et des photographes (Mr CIRRITO, Mammie Paulette) entre autres, parce que nous sommes tous partis avec des clichés de notre vie à Imini et dans ses environs. Quand bien même nous n'aurions pas de photos, ne croyez-vous pas que les paysages seraient gravés dans notre mémoire ?
Aujourd'hui, mon plaisir est rehaussé par le fait d'être accompagné par un ami, un grand ami, un ancien copain de l'école marocaine dans la classe de Mr ROMANO, un témoin de la vie iminienne où il a déroulé toute sa vie professionnelle : Hamma ALAYA.
Pour faciliter leur reconnaissance, et donner la possibilité aux lecteurs d'en nommer les occupants successifs, j'ai tenté d'attribuer un numéro permanent aux maison identifiées. J'ai quand même commis quelques erreurs, par oubli ou par confusion. L'« abattage » de la végétation a découvert des maisons dont j'avais oublié l'existence. Donc, il y a des erreurs ! Je compte sur vous pour m'aider à les corriger. Régine a eu la gentillesse d'identifier certaines maisons du chapitre précédent.
Sur le site il y a eu, au cours des années, une rotation des employés : les familles s'agrandissaient, les départs et les arrivées provoquaient inévitablement des déménagements.
Le village est bien bouclé : c'est vérifié dès la première photo. Aussitôt arrivé au carrefour de la patte d'oie, un câble affublé de bidons barre l'accès.
Après quelques palabres menées par Hamma ALAYA, le gardien m'invite courtoisement, mais fermement, à garer le véhicule en bord de route et m'autorise à parcourir le village à pied. Je m'exécute et entame aussitôt la montée vers la chapelle, montée bordée elle aussi de pierres blanches. Une fois la végétation disparue, il est plus aisé de voir les maisons, il y en a même que je vois pour la première fois, dissimulées qu'elles étaient auparavant derrière leur palissade de roseaux. Une chose est sûre : elles ont été repeintes récemment, même si des traces d'humidité persistent sur certaines façades. Notre amie Régine, passée en 2017, et Mohsine, passé en 2018, nous confirment que le travail était déjà fait. Curieux, pour un village abandonné !
Photo 3, la maison du colonel Benoist.
Massive, haute, carrée, la maison du colonel BENOIST (et de son épouse Clara) est là, à droite. Elle a été aussi occupée par l'ingénieur du fond BOUHTOURI, devenu plus tard le directeur d'exploitation, à la suite d'Abdou KETTANI.
En face : une des deux maisons jumelles, surplombées par la maison AZAM. Sur la droite, apparaît la maison des Drs MANDRYCKA et GORCE, puis DECAILLOZ. Le chemin semble en bon état, pourtant il est creusé d'ornières, et, pour la sécurité des visiteurs, le 4x4 est fortement conseillé.
Photo 4, la maison des premiers médecins.
C'est une des maisons les plus tristes de Bou Tazoult, parce que sa rénovation n'a pas résisté aux assauts météorologiques. La toiture goudronnée se délite, et on peut craindre pour l'intérieur. Des tâches et des cloques apparaissent sur les murs, seule la terrasse reste immaculée. Les herbes batifolent dans le jardin, mais le mur de soutien de la route semble solide. De là on domine le quartier de l'école, aperçue en fond. Ici nombre d'entre vous redécouvrent leur domicile et ceux de leurs camarades de jeux, et peuvent renseigner les numéros indiqués. Les familles se sont succédées dans ces maisons, là aussi il serait intéressant d'en connaître les occupants successifs.
Photo 5, le quartier de l'école.
N° 2 IBANEZ, n° 4 MOQUAIS, n° 7 MAGUEUR, le géomètre. L'intimité était parfois poussée à l'extrême, et autrefois seules les toitures dépassaient des haies, tandis que maintenant … les espaces se dessinent largement. Difficile d'en citer leurs occupants, à moins d'avoir habité le quartier. Si le nom des occupants est intéressant, leur rôle au sein de la mine ne l'est pas moins : précisez le, ainsi que leur période de présence à Imini.
Photo 6, le quartier sous la maison des médecins.
On prolonge le parcours dans la rue inférieure, vers la route (15 PECORARO).
N° 3 SANCHEZ, n° 4 MOQUAIS, n° 16 PAWLAK (oubliée : LAZARO ?).
N° 18 c'est quoi ce bâtiment ? Des garages ? N° 19 et n° 20 KLIMANEK et DANKOWSKI ou DANKOWSKI et KLIMANEK, les deux familles apparentées, avec leurs enfants Viviane et Jacques d'un côté et Sylviane de l'autre ? Après, dans tout le fond de la vallée, je n'ai pas de repère.
N° 21 La villa de la famille SERBINI, ingénieur du jour (André, Claude et leurs trois enfants : Michel, Isabelle et Delphine) à laquelle ont succédé les IACHELLA (André, Hélène et leur fils Patrick), et une maison que j'avais oublié de lister. Nommons la X.
Photo 10, Iachella-Piquemal-Lacau.
N° 21 SERBINI-IACHELLA, n° 22 famille PIQUEMAL (ingénieur du jour), n° 23 Mr LACAU (sans doute natif du Maroc, et dont les parents avaient une ferme vers Meknes ?). Admirez, tout au long de l'article, les nuances de terre allant du rose le plus pâle au presque rouge, nullement transformées par la prise de vue.
Photo 11, le cercle des ingénieurs éventré.
Le mini-golf a disparu sous les coulées de boue, les baies sont éventrées, la rambarde de la terrasse s'est « envolée ». Ce très beau bâtiment aux lignes dépouillées, conçu comme une maison contemporaine, ne déparerait pas aujourd'hui encore dans un environnement moderne. De mémoire, l'intérieur comportait une cheminée à double foyer, et le mobilier était d'inspiration scandinave, avec des fauteuils en fil d'acier. De la terrasse la vue embrassait toute la vallée jusqu'aux pentes lointaines du jbel Siroua.
Photo 13, neige et terrils depuis la maison Azam.
Photo 14, sous la protection de la chapelle.
Suivent plusieurs photos de la maison de l'ingénieur du jour Marcel AZAM et de son épouse Claude, parce que nous étions proches des enfants Luc et Christophe avec lesquels nous partagions des journées de jeux. J'aimerais qu'ils découvrent le blog et prennent connaissance de tous ces moments inoubliables de notre jeunesse, mais comment les contacter ?
Leurs dépendances, dans lesquelles nous jouissions d'un espace réservé aux enfants, semblent bien abîmées. Située sur une aire assez vaste sous le plateau de la chapelle et la piscine, la vue y est dégagée sur le Blanc et le Noir : sur les montagnes enneigées et sur le terril des stériles.
Sur ce même palier, au bout du jardin : la maison COTTIN dont le père, Auguste, était responsable de la laverie (son épouse Anne-Marie et leurs enfants Jean et Annie), lui fait face.
L'urbaniste de Bou Tazoult avait su tirer le meilleur du terrain en traçant des terrasses descendant depuis le plateau de la « chapelle-piscine-terrain de tennis », et épousant les courbes des collines. Il est à noter que, malgré l'érosion due à la pluie et au vent, la terre, malgré le glissement inévitable de ces terrasses, n'envahit pas les espaces inférieurs. On aurait pu s'attendre à un éboulement général des pentes de terre et à un recouvrement des jardins par des coulées de boue. Rien de tout ça malgré les ans et l'abandon du site. Certains endroits sont un peu plus sales que d'autres, mais l'évènement le plus sérieux est une forme de sècheresse continue, de laquelle ne sortent vivaces que les espèces végétales les plus résistantes, celles adaptées à ce climat rude : froid l'hiver, chaud l'été. Encore que cette année 2018-19 ait été plutôt clémente en température.
Photo 16, sous la maison Azam.
Ma voiture de location, blanche, m'attend à la patte d'oie, en bord de route, en dessous de la maison du colonel BENOIST ; les maisons N° 31 et 32 sont celles où des couvertures pendaient à la fenêtre. Les n° 33 et 34 se situent en bordure de la « place de France », comme Mr DECAILLOZ père aimait à appeler ce plateau équipé de garages près de la maison jumelée DECAILLOZ-WOJCIEKOWSKI.
Ce panoramique balaie le borj, la plaine des sports, le cinéma, le cercle des employés, la « cantine », le village marocain, et un lot de maisons individuelles ou jumelées. Le paysage, avec sa végétation dépouillée, ramène aux débuts d'exploitation de la mine dans la fin des années 40, avec la construction des maisons au milieu de terrains encore vierges, l'époque à laquelle Mammie Paulette JUIF est arrivée parmi les premiers occupants. Quand je regarde cette photo, il me vient la furieuse envie d'apporter aux jardins l'eau dont ils ont besoin, pour les voir renaître et produire leurs légumes, leurs fleurs, leurs arbres fruitiers. Il suffirait de cela pour que reprenne vie cette bourgade endormie.
Photo 18, la maison COTTIN et le château d'eau.
Face à la maison AZAM : la terrasse couverte de la maison COTTIN, une maison complexe puisqu'elle a abrité la famille COTTIN, mais aussi une chambre pour le père Norbert, et surtout, d'après le témoignage certifié de Joseline, la première école dirigée par Mr LAMANDA (nom d'origine bretonne).
Après la fermeture de la mine, ce bâtiment a été muré pour assurer le stockage des meubles collectés ici et là. C'était une maison au charme particulier grâce à cette terrasse, qui servait de préau à l'école primitive, et dont la façade latérale ouverte sur la mine offrait une vue splendide.
Le château d'eau de Bou Azzer, gardien perché sur la colline, laisse perler quelques gouttes pour abreuver les pauvres arbres survivants qui courtisent sa base. Il pleure la désertion des habitants, et son abandon dans ce désert minéral, et il rêve sans doute de retrouver son lustre ancien et sa fonction de réservoir de vie pour tous les villages environnants.
Depuis la disparition de la cloche de la chapelle et le départ du muezzin le silence nappe le village, brisé seulement par le pépiement de petits oiseaux furtifs gazouillant dans les cyprès et les lauriers-roses.
Photo 19, la cloche est-elle partie à Rome ?
Cette cloche qui a rythmé les dimanches de messe, les jours de cérémonies religieuses s'est envolée. Madame RIVE avait apporté avec elle une cloche de remplacement (reportage paru antérieurement), malheureusement elle a été dans l'obligation de la rapporter en France.
Photo 20, retour sur la vallée.
Un dernier coup d'oeil sur le fond de la vallée, ne serait-ce que pour mieux repérer les maisons sous un autre angle. De haut, une meilleure vision ? Au pied de la chapelle, les crevasses entament la croûte du sol, … et ensevelissent à tout jamais les reliefs des vitraux brisés et jetés là. J'en ai préservé quelques morceaux, et ainsi j'ai pu apprécier l'épaisseur du verre, dont les teintes délicates sont pérennes, oeuvre de Dom BOUTON. Peut-être que d'autres que moi, rendant visite au monument, penseront à agir de même …
Sur cette photo, les plus érudits trouveront les numéros manquants de maisons et pourront nous fournir des renseignements sur leurs occupants, accompagnés d'anecdotes.
Photo 21, la bergerie et le transformateur.
Près du lacis de pistes, dans ce paysage dénudé, la surprise est toujours d'y découvrir une bergerie dont les ovins et les caprins « rongeront » la moindre touffe épineuse et « nourriront » la terre de leurs déjections. Le petit transformateur dressé en bord de route est chômeur depuis la désaffection de la ligne électrique venant de Sainte Barbe-Ouggoug. Il aimerait pourtant reprendre du service et voir s'animer le ruban goudronné menant à la mine.
Photo 22, la CANTINE, monument iminien.
Le bâtiment dit de la cantine, imposant dans ses mesures dignes de celles d'une cathédrale, abritait plusieurs activités.
Tout le monde se souvient du cinéma, volumineux, qui servait aussi de salle de bal pour la fête nationale française, pour le goûter-cadeaux de Noël, pour les bals, et pour toutes les manifestations importantes. Les séances de projection étaient très prisées de la population, qui trouvait là une distraction unique dans le sud (et encore unique en 2019 : Ouarzazate, cité du cinéma, 80.000 habitants, ne possède toujours pas de salle obscure).
Plusieurs gérants se sont succédés dans la cantine voisine (TOURNIER, REINA, SABATHIÉ, BRALLET, dans le désordre peut-être ...), qui remplissait le rôle de bar-tabac restaurant, et accueillait volontiers les stagiaires et visiteurs dans quelques chambres dont l'étage voisinait avec le cercle des employés. Au rez-de-chaussée l'épicerie tenue par le gérant de la cantine était proche de l'autre épicerie tenue par Allal ABOU LAMER (parti ensuite à Marrakech tenir un restaurant à proximité immédiate de Jemaa el Fna).
Et dans le couloir séparant les deux bâtiments, la fabrique de glace a fonctionné tant que les réfrigérateurs n'ont pas pris l'ascendant sur les glacières initiales.
Des maisons bordent la route, face à la cantine. A gauche la modeste maison des célibataires où notre ami ENNOUCHI, maître principal de la bascule avait son logement, Puis la maison surélevée de la famille PEREZ, et plus loin (40) celle occupée successivement par les familles ABOU LAMER et BEN TALEB. 43 et 44 étaient respectivement les domiciles de la famille d'origine espagnole GONZALES, et des TEYSSIER, Yvon l'infirmier et de son épouse Pierrette.
L'école marocaine aux nombreuses classes, toute en longueur est proche de la maison de son directeur (45), Mr ROMANO (Roch-Louis, son adjointe et épouse Anièce, leur fils Jean-Louis).
Les maisons jumelées 48 et 49 cachent une maison individuelle placée entre elles et celle de Mr ROMANO, (la 50 des familles BERARDI, puis BERKOU). Elles ont connu les familles SABATHIÉ, BRISMÉE, et tant d'autres. D'autres jumelles abritaient les familles DECAILLOZ (41) et WOJCIEKOWSKI (42). La famille HEBBAZ, apparentée aux BERKOU, occupait la 51.
Le borj s'est vu adjoindre une nouvelle route partant du site de la laverie disparue, pour éviter de retaper celle d'origine, toute défoncée.
Photo 23, le lointain nu, après les villages.
Le village est encerclé par le djebel et ses collines successives. La piste traversant le carreau de la mine, et menant vers le Tidili, peut prolonger l'envie de randonnées jusqu'à Agouim par l'arrière pays.
Il me revient à ce propos, pour les avoir empruntées à plusieurs reprises, un souvenir d'invasion de sauterelles. Des nuées serrées cachaient le ciel, et se posaient au sol en un bruit de crécelle assourdissant, … et faisant peur à l'enfant que j'étais alors. Mon père m'avait emmené sur la piste du Tidil, dans son pick-up bleu de service, et nous écrasions des kilomètres d'insectes, tandis que des milliers finissaient leur vie sur le parebrise. Arrivés à la maison, nous les avons vus tapissant le sol, avançant en rangs serrés, dévorant tout sur leur passage en un éclair, et laissant derrière eux la terre nue, parsemée de rares brindilles décharnées. Le bruit des cigales est plus musical et charme les oreilles autant que le craquement produit par les sauterelles est infernal et apocalyptique. A Imini, j'ai eu deux fois l'occasion de vivre ce phénomène. Nous utilisions, en pure perte, le feu et la fumée dans des grands bidons de carburant, ainsi que des vaporisateurs d'insecticide, qui n'ont tué qu'une très infime partie des envahisseurs. Après qu'elles aient dévasté tous les environs, elles repartaient en vol grégaire vers d'autres horizons où la végétation tremblait déjà de peur.
Photo 24, les maisons chères à mon coeur.
Sur le plateau supérieur, dont la boucle se termine face à la maison COTTIN, trônent deux maisons que nous avons occupées à tour de rôle, d'abord la 53 dans laquelle nous a succédé la famille suisse de l'ingénieur du jour JAN (son fils Yves). En avons-nous été les premiers occupants ? Je ne saurais l'affirmer, mais je me souviens des travaux de jardinage pour installer une haie de roseaux, de lauriers-roses et quelques arbres fruitiers.
Puis nous sommes partis dans la maison 52, en lieu et place des familles d'ingénieurs du jour RIVE et PELISSIER. La maison a été agrandie d'une chambre après la naissance de ma quatrième soeur.
Entre ces deux dernières maisons, dans le creux du vallon, la maison 54 a connu Mr MOQUAIS, je crois, après qu'il ait quitté la 4, près des SANCHEZ.
Ainsi finissent ces « retrouvailles », très partielles, avec le village principal des mines d'Imini. Mais il nous reste encore à pénétrer le cinéma, la « cantine », les commerces attenants, le village marocain avec son école, sa mosquée, ses commerces, le borj, la mine …
"Est-ce de ma faute si, à chaque passage, je me fais « kidnapper » par des amis pleins de bonnes intentions et qui insistent pour me recevoir chez eux, raccourcissant singulièrement mon temps de reportage ? Pourtant je ne m'en plains pas, trop heureux de profiter de leur hospitalité légendaire et de partager avec eux leur amitié et les souvenirs qui nous tiennent à coeur.
Puis-je compter sur vous pour apporter des commentaires, des anecdotes, des corrections si besoin ? Ce village a vécu AVEC vous, grâce à vous. Mais il n'y aura pas de meilleur « reporter » qu'un écrivain marocain pour alimenter le blog sur le village marocain … Avis aux volontaires."
Pour d'éventuels commentaires, vous pouvez copier les photos sur le blog et les renvoyer annotées en surcharge. C'est plus facile pour la compréhension des corrections et commentaires.
Toutes les photos, annotées et exposées ici, sont disponibles vierges sur simple demande à l'auteur.
Retour à Boutazoult au printemps 2019 (saison 2)
Jean-Yves TRAMOY donne une suite à son reportage publié ici le 25 juillet:
"Bou Tazoultis, enfin la suite que vous attendiez arrive. Retenez votre souffle : inévitablement, cette description de Bou Tazoult sera découpée en plusieurs épisodes, compte tenu de sa longueur et du grand nombre de photos expédiées, afin que la majorité des lecteurs y trouve son bonheur !
Certains d'entre vous seront déçus parce qu'ils n'y trouveront pas ce qu'ils y cherchent intimement : leur maison et celle de leur voisinage.
Mais il y aura d'autres occasions, de ma part, et j'invite les autres visiteurs éventuels à se greffer à cette recherche, et à apporter leurs témoignages et leurs documents. Néanmoins dès aujourd'hui j'essaie de vous communiquer le maximum de documents en ma possession. Vous pourriez, en échange, fournir à l'ensemble des lecteurs, vos documents plus anciens pour établir des comparaisons, … ou exprimer des questions, des souhaits.
Y a-t il des erreurs dans mon reportage ? Commentez, corrigez si besoin, je ne demande que ça.
Je propose même que ceux qui se rendent dans le sud marocain nous en informent (directement ou par la voie du blog), de façon à favoriser les échanges et à enregistrer les demandes de ceux qui ne peuvent s'y rendre."
Quitter Timkkit, c'est vouloir s'enfoncer dans le jebel vers Bou Tazoult distant de dix kilomètres. Mais quitter Timkkit c'est laisser derrière soi la beauté saisissante de ce site mêlant casbahs ouvrières et maisons traditionnelles dans leur écrin de mamelons caillouteux, pelés, d'un vert léger, au bord du premier parc arboré, tandis qu'au loin la chaîne de l'Atlas enneigée peine à se détacher sur un ciel d'azur pâle. Cela ressemble à Aït ben Haddou et son décor de cinéma. Quelle chance de pouvoir jouir d'un aussi bel ensemble au pied d'une exploitation minière ! Et cela symbolise bien ce que nous avons toujours ressenti en habitant dans les mines d'Imini : le travail a procuré une qualité de vie ! Un cadre bienfaisant, malgré l'effort, la sueur, les difficultés de toutes sortes !
Photo 1 le village de Timkkit.
A mi-chemin de Bou Tazoult, deux puits sont en activité : d'abord Assaoud, flanqué d'un petit puits secondaire, et Tighermit, LE PUITS, reconnaissable à sa haute cage, la fierté d'une époque révolue. Des puits que l'on est surpris et heureux de trouver à nouveau en exploitation, avec des ouvriers circulant autour, bien qu'on soit un dimanche. Peut-être une équipe d'entretien ?
Photo 2 le puits l'Aazib a pris de l'importance.
Bou Tazoult s'annonce d'abord par un puits agrandi, développé, presqu'en face de la célèbre bergerie du virage, affublée de « consoeurs » un peu plu loin vers le village. Nul doute que plusieurs troupeaux de moutons et de chèvres pâturent dans les collines environnantes quand la saison est favorable. Cette bergerie est l'un des symboles de Bou Tazoult, et ses concepteurs ont créé là un « monument » solide, malgré les années, sous la voûte naturelle abritant animaux et bergers ! Son enceinte de pierres protège encore l'enclos de moutons de l'incursion des prédateurs.
Avant même le virage, sur la droite, les premières toitures affleurent la crête, avec un bouquet d'arbres faisant croire à une végétation dense, puis la chapelle et la piscine surgissent sur la hauteur, et encore d'autres maisons se détachent sur la terre rose.
Photo 4 les premières toitures apparaissent.
Le terrain est accidenté, raviné par les pluies. Dans cette portion, les seuls feuillus sont des eucalyptus, qui résistent vaillamment à toutes les agressions de la nature et des hommes, et renaissent à chaque fois, se rhabillant de feuillage pour camoufler leurs cicatrices.
A condition d'être bien sec, c'est un excellent bois de chauffage, qui met à mal les lames des scies et les chaînes de tronçonneuses, ceci explique cela. Les « bûcherons » malhabiles et mal équipés ne peuvent en couper que quelques branches, ou invalider le tronc sans succès, tandis qu'ils ont abattu sauvagement l'ensemble des arbres installés en terrasses surplombant les quartiers des villages.
Photo 5 l'érosion pluviale importante vers la route, sous l'oeil de la chapelle et de la piscine.
Des touffes épineuses rabougries courent sur le sol, captant et conservant les gouttes d'eau dans leurs racines. La survie, toujours la survie ! Alors, si ces plantes survivent, de petits animaux doivent certainement en profiter pour se nourrir et nicher dans des trous. Pourquoi pas nous ? Pourtant la suggestion d'une présence humaine permanente est tout à fait utopique. Comment faire sans eau courante, sans électricité ? Tout ce confort que nous avons connu, et dont nous serions bien incapables de nous passer maintenant, surtout à notre âge de cheveux grisonnants …
Les gardiens et les ouvriers du site n'ont pas le bénéfice de ce modernisme, ils vivent au contact d'une nature rude et sauvage, à l'aide de citernes d'eau livrées régulièrement, de groupes électrogènes indispensables à leur travail de mineurs.
L'oeil averti remarque les bornes en pierres blanchies citées précédemment, qui soulignent le chemin montant à Bou Azzer.
Sur les photos suivantes apparaissent les rangées successives des maisons du dernier quartier construit à Bou Tazoult, dont l'état dégradé d'une toiture contraste avec l'aspect quasi neuf des peintures extérieures, alors que les maisons sont inhabitées depuis longtemps.
Le quartier se dessine peu à peu, dégageant la vue jusqu'au cercle des ingénieurs, … ravagé par des vandales.
Photo 6 les premières maisons resplendissantes sous le soleil. Photo 7 une deuxième tranche du même habitat.
Certains d'entre nous sont en mesure d'associer les habitations et d'en nommer leurs occupants.
Furtivement nous glissons vers un quartier plus ancien, avec, sur la droite, une maison préfabriquée de la première mouture, et les premières maisons en dur. Deux palmiers se cachent derrière un eucalyptus décharné, et apportent un peu de diversité végétale. Le cercle des ingénieurs domine le quartier étiré dans ce vallon.
Dans la maigre végétation, au sol des traces éparses témoignent des dernières recherches de minerai, effectuées au seul pic par des ouvriers tâcherons « flairant » le filon. Dans ce secteur l'une des premières descenderies de la nouvelle ère de recherches produisait quelques wagonnets de manganèse, au pic et à la sueur.
Photo 8 sous le cercle des ingénieurs.
Photo 9 la descenderie en 2010.
La photo suivante situe mieux les lieux, avec trois des repères remarquables de Bou Tazoult : le château d'eau de Bou Azzer, l'auvent de la piscine, la chapelle, sous laquelle on devine émerger la maison de l'ingénieur du jour Azam, ... et derrière le poteau affleure le toit de l'école.
Photo 10 les trois points de repère.
Nous sommes à proximité immédiate de l'école, et l'AVENUE goudronnée, rectiligne, bornée de pierres blanches, conduit au « centre commercial » du village, avec le borj sur la hauteur.
Photo 11: l'« avenue » menant à la cantine.
En tournant la tête à gauche, on suit le cours tari du ruisseau, serpentant jusqu'à un fossé démarrant derrière la cantine, et courant jusqu'à la bergerie, servant de « canal » d'évacuation des eaux usées. De fait, la palette des couleurs ravive nos souvenirs et ce que nous pouvions admirer quand le vent chaud ne nous recouvrait pas de cette poussière noire si pénétrante. Fin février, malgré le peu de pluies tombées cet hiver, la végétation, quoique rabougrie, reste verte. Ovins et caprins ont là une belle réserve de nourriture.
Photo 12 le ruisseau à sec.
En tournant la tête à droite surgit cette maison, un peu esseulée en bord de route. En fait elle a des voisines proches, mais les bâtiments sont suffisamment espacés pour autoriser des potagers à l'abri de haies de roseaux les protégeant des vents mauvais. Comme le chantait Verlaine dans son poème « Chanson d'automne » : « Je me souviens Des jours anciens Et je pleure Et je m’en vais Au vent mauvais Qui m’emporte Deçà, delà, Pareil à la Feuille morte ».
Toutefois, ne baignons pas dans cette nostalgie, marquée par la tristesse, conservons plutôt le souvenir de ces périodes heureuses, dont les malheurs grands et petits cicatrisent avec le temps.
Photo 13 quelle famille a vécu dans cette maison ?
Devant cette maison, un large plateau sur lequel se penchent des takaouts tortueux, à la recherche d'une source souterraine susceptible de les abreuver. Preuve que l'on pourrait conserver des arbres, voire même replanter certaines essences susceptibles de survivre dans cet univers ingrat.
Des cailloux bordant les anciennes allées sont restés en place, mais le potager s'est desséché, pas même remplacé par des mauvaises herbes. Il serait facile de relancer une activité jardinière dans ce sol dont la terre est riche et reposée. L'eau, l'eau et tout repart … Ça coule de source !
Photo 14 les takaouts tortueux.
Un regard en arrière pour ne pas négliger l'école, ce carré clos qui a abrité, dans ses deux classes et dans sa cour modeste, sous son préau, tous nos rires, nos facéties, nos apprentissages scolaires, nos réussites, nos échecs, tout ce que nous avons laissé derrière nous. Cette école a vu défiler plusieurs « maîtres et maîtresses » venus y enseigner, souvent en couple, et ayant leurs propres enfants dans la classe sans doute. Ils ont fait un temps et sont partis ensuite vers d'autres horizons. Il serait intéressant de citer ceux que nous avons connus, et de narrer nos souvenirs les concernant.
Photo 15 l'école de nos jeunes années.
Sur la photo, un détail commence à éclairer LA DIFFICULTÉ MAJEURE que j'ai rencontrée en arrivant à Bou Tazoult. Au pied des arbres court un câble, solide, sans doute issu des tractions de wagonnets, un câble qui encercle le village en entier, qui en empêche l'entrée avec un véhicule.
Il faut savoir que la mine est une propriété privée, et qu'une surveillance active y est effectuée au moyen de trois gardiens, … qui prennent leur travail à coeur, croyez moi. Ils ont une consigne, une seule : aucune pénétration d'étranger à l'intérieur de ce village moribond. Des actes de vandalisme ont été commis, que vous pourrez constater dans la suite des épisodes.
Le constat est là : je n'ai pas pu me rendre dans cette portion de Bou Tazoult, délimitée entre la route, l'école et la montée à la chapelle. Je n'ai pu photographier que depuis la montée. Mais vous aurez les photos, qui vous permettront certains repérages, … sinon vous feriez des caprices.
Photo 15 l'espace entre la maison et l'école.
L'espace entre la maison et l'école permet d'entrevoir d'autres maisons, dont vous serez plus à même que moi de dire quels en ont été les occupants. Le câble continue à courir plus loin.
Photo 16 les maisons jumelles basses.
Toujours le long de la route, des maisons basses jumelées font suite à la précédente, dont la plus éloignée a été occupée par la famille Pecoraro.
A la verticale de la chapelle, on note d'abord la maison Azam, puis le garage de la maison des médecins Mandrycka et Gorce (Decailloz en fin de présence européenne), et arrivée à la maison Magueur. La maçonnerie des murs de soutien et des escaliers semble neuve, pourtant elle a 70 ans ou plus.
Photo 17 de la chapelle jusqu'en bas.
En bas, derrière la rangée de bord de route, une maison surélevée, massive. Elle est desservie par la rue en terre qui distribue tout le quartier depuis l'école (et qu'on ne peut voir sur la photo). De mémoire elle a été attribuée à la famille du géomètre Magueur, et peut-être à la famille des instituteurs Le Gouic, curieusement deux familles du Nord-Finistère et du Sud-Finistère, où je les ai retrouvées.
On remarque que les murs commencent à souffrir de l'humidité. Qu'en est-il de l'intérieur de cette maison « close » en permanence ? Un peu plus haut, des couvertures séchant à la fenêtre traduisent l'occupation d'une des maisons jumelées sises au-dessus du chemin de la chapelle, face à la maison du colonel Benoît. Maison occupée par un des gardiens du site ou par des travailleurs de la mine ?
Presque une plate-bande verdoyante, signe d'une retenue d'eau en profondeur ? On arrive à l'intersection route-rue du quartier, non loin de la maison des époux Horn, cachée derrière le rideau d'arbres. La maison du colonel Benoist, citée précédemment, est à l'extrême droite, première sur le chemin de la chapelle. Le bâtiment de la « cantine » est au bout de la route goudronnée : on aperçoit le pignon du cinéma et les fenêtres du cercle des employés.
Photo 20 l'intersection route-rue du quartier.
Chaque maison, chaque mètre carré de terrain est porteur d'histoires, que seuls les anciens occupants peuvent raconter. A vos plumes Sergent Major, comme celles utilisées lors de nos premières années d'école primaire.
A la suite de cette visite bridée, une constatation s'impose. Les potagers, les cultures florales ont disparu, personne ne peut s'en étonner. Mais ce qui est frappant, c'est que toutes les maisons soient facilement visibles de toute part : toutes les haies de roseaux et autres végétaux ont été rasées. On sait que les roseaux sont suffisamment résistants pour tenir dans ce milieu hostile, et qu'ils l'ont fait depuis des dizaines d'années, et même qu'ils repoussent lorsqu'on les coupe au ras.
Le fait est que ce « nettoyage » des roseaux est le résultat d'une volonté de supprimer tout élément pouvant cacher les bâtiments, afin de pouvoir les surveiller à tout moment et d'empêcher les interventions de cambrioleurs. C'est ainsi que la tâche des gardiens du site est facilitée.
Il faudra patienter jusqu'au prochain chapitre, le temps de rédiger, de choisir les photos, de mettre en page, mine de rien c'est chronophage.
Merci à Jean-Yves pour ce reportage, saison 2, entre passé et présent; il permet à chacun de caresser ses souvenirs.et de constater qu'une nouvelle vie pénètre progressivement dans ce que furent nos maisons. A sa suite, partageons nos souvenirs
VISiTE AU SITE D'IMINI AU PRINTEMPS 2019
Un reportage de Jean-Yves sur quelques lieux rénovés (ou pas) des mines de l'Imini
Retour au pays.
Dans le cadre d'un déplacement à Ouarzazate pour le compte de Tiwizi 22, notre association qui soutient les actions de l'association Al Michkat, dirigée par Malika ABDEDDINE, j'ai pu m'échapper le dimanche 24 février 2019 pour une incursion rapide aux mines d'Imini, sur le site de Sainte Barbe-Ouggoug et Timkkit. La température de cet après-midi est idéale, le ciel est d'azur, et les villages sont bien calmes, jour chômé oblige. On se croirait en vacances au début de l'été, si ce n'était cette lumière si douce, caractéristique d'une fin d'hiver. Les photos n'en seront que plus belles, plus « sensuelles ».
Mon reportage sera plus réduit que d'habitude, à la recherche de sensations plus intimes.
Dès après le passage du gué, j'aperçois les premières maisons de Sainte Barbe-Ouggoug, d'abord celles qui bordent le cadre « tennis-piscine », cachées derrière leur rideau de roseaux, puis celles de l'étage supérieur, et là la surprise !! Lors de mes précédents séjours, j'avais noté le « vieillissement » progressif des maisons, dont certaines étaient inhabitées et glissaient doucement vers un abandon manifeste, souligné par des jardins secs, aux herbes folles. Une chape de tristesse s'abattait alors sur les visiteurs de passage, ces anciens iminiens alléchés à la perspective de renouer avec leur cadre favori. Aujourd'hui, c'est une vague de plaisir qui m'envahit : les maisons respirent à nouveau !
Photo 1 la maison à la tour.
Sur cette photo zoomée de la maison à la tour, on ne parle plus de rafraîchis-sement, mais de restauration de qualité. Peut-être trouverai-je prochaine-ment dans mes albums antérieurs un exemplaire de cette maison dans les années 2010-2011 ? On pourra comparer son état actuel avec celui qui était le sien à l'époque : des murs lézardés, décrépis, une végétation rabougrie, … un sentiment d'abandon au bout du chemin.
Sur cette photo, outre la nouvelle peinture, et les beaux décors berbérisants, on remarque la blancheur de la terrasse couverte, si accueillante et protectrice quand le soleil darde ses rayons estivaux.
Je n'ai pas prolongé ma progression dans cette direction. Le peu de temps dont je disposais en cette fin d'après midi m'a tout de même autorisé à passer devant les bureaux et à prendre la photo suivante où le mur extérieur est décoré d'une allégorie sublimant la « marche verte » lors de la reconquête du Sahara. Curieux, mais haut en couleurs !
Photo 2 le mur des bureaux.
J'ai découvert que Sainte Barbe-Ouggoug était devenu le point central des habitations des cadres, puisqu'il n'existe plus rien ou presque à Bou Tazoult (mais nous verrons plus tard) d'une part, et que le parc à bois et à matériaux s'est considérablement développé en face des bureaux, donnant un impression de concentration. Toutefois Timkkit conserve toutes les capacités techniques. A voir plus tard.
Poussant jusqu'au fond de la vallée, j'ai constaté que les maisons préfabriquées étaient vides d'occupants, délaissées à l'ombre des eucalyptus dans le soleil couchant. Le silence de cette solitude est oppressant : pas une âme à l'horizon en ce dimanche, même en remontant vers le centre. Dans l'une des maisons a habité la famille Aomar HERDA, et un peu plus haut la famille de Mohammed MAALI, parti depuis au siège à Casablanca.
Photo 3 les maisons préfabriquées.
Photo 4 la maison près des bureaux.
Cete maison, occupée autrefois par la famille PHILIP, précède la rampe, assez raide, montant à la maison des hôtes, juste derrière l'agence postale.
Hormis les bureaux, point de convergence des travailleurs en semaine, la vie familiale se déplace sur l'autre versant, vers la piscine-tennis, à preuve on y retape les maisons, et quelques fumerolles apparaissent sur les toits en cette deuxième quinzaine de février. Mais il n'y a de commerce nulle part, sinon en allant jusqu'à Timkkit où se concentre la colonie des ouvriers. Et l'école pour les enfants de Sainte Barbe : à Timkkit sans doute.
Beau soleil toute la journée, donnant une douce chaleur mais qui tourne au frais aussitôt que l'astre décline, et justifie le chauffage central.
Je ne résiste pas à l'envie d'un saut de puce jusqu'à Timkkit, juste pour le plaisir d'emprunter cette portion de route, courte, mais qui débouche d'un seul coup sur le village, en haut de la dernière côte.
Photo 5 les premières maisons minières.
Au premier rang, les maisons des ouvriers collées les unes aux autres, comme dans tous les bassins miniers au monde. Une façon de se « serrer les coudes » au travail comme dans le quotidien familial, une forme de solidarité, près des jardins potagers cultivés avec soin. Les préfabriquées, plus anciennes, dominent la rangée de celles construites en pierre et terre, assimilées aux matériaux du sol.
Photo 6 les jardins soigneuse-ment cultivés.
Un détail m'interpelle. Dans ce paysage minier, dont on sait qu'il a tendance à se noircir, de chaque côté de la route, plusieurs parcs paysagers patronnés par des fondations, dont une asiatique, sont installés et protégés par des grillages, visiblement entretenus avec soin.
Photo 7 l'un des parcs arborés patronnés par des mécènes.
Dimanche, 17 heures : avant de retourner au travail le lendemain, les ouvriers profitent de leurs derniers moments de repos, bavassent devant les commerces, et profitent de leur position privilégiée dans le virage pour observer et commenter tous les mouvements sur la route.
Pour habiter à Timkkit, il faut supporter le vent chargé de poussière noire, qui balaie tout sur son passage, surtout du côté de l'exploitation. A droite de la route : les locaux techniques, garage, dépôts de matériels, … Et à gauche ce que nous avons toujours connu, la bascule, le dépôt des sacs de minerai, la laverie, et plus haut sur le flanc de la colline les bâtiments regroupant quelques bureaux. A vrai dire, dans mon empressement, je n'ai pas eu le temps de vérifier que ces derniers existaient encore. Il y avait là l'infirmerie, mal placée pour rester propre. Je crois qu'elle a déménagé dans le village. Encore un sujet de recherche lors d'un prochain passage.
Photo 8 le mur de protection contre les vents chargés de minerai.
La SACEM essaie de lutter contre les vents en édifiant un mur haut et long de chaque côté de la route pour empêcher les dépôts trop importants sur la chaussée. Malgré tout les ornières persistent, gonflées et durcies par les pluies qui solidifient les dépôts sur le goudron. Les trous sont légion, sollicitent les suspensions des véhicules et le rachis des conducteurs. J'en ai fait l'amère expérience. Dans ce couloir, au niveau de l'impressionnant bâtiment de la laverie, il y a un trafic soutenu ou presque puisque plusieurs véhicules me croisent, y compris des vélomoteurs.
N'ayant pas le temps d'aller plus loin, parce qu'il me faut rendre la voiture à l'agence de location, je fais demi tour au pied du téléphérique à stériles, et regarde maintenant le village ouvrier face à moi.
Photo 9 les casbahs ouvrières.
Les casbahs ouvrières dressent leur silhouette massive dans le village, comme des tours de défense. Leur couleur ocre se détache dans cet univers si sombre, sans doute sont elles épargnées par les vents dominants. Pourtant, dans des photos anciennes, elles avaient une teinte tristounette de rose perçant à peine sous le noir collé. Prenons le pari qu'elles ont été repeintes voici quelque temps.
En retournant vers le village de Sainte Barbe-Ouggoug les rayons déclinants du soleil illuminent les collines comme une palette de couleurs. Les ombres s'allongent tels des fantômes envahissants, et mettent en évidence les « bornes » constituées de grosses pierres empilées et peintes en blanc. Elles sont ainsi disposées régulièrement tout au long de la route. A quoi servent-elles exactement ? Point ne sait. Décor, prestige, utilité routière ?
Dieu ! Que ce paysage est beau, alignant les barrières montagneuses les unes derrière les autres, donnant un relief particulier à ce petit bout de pays insignifiant. Les maisons en cours de restauration s'incrustent en relief sur le fond.
Photo 10 le transformateur de Sainte Barbe-Ouggoug.
Pour regagner Ouarzazate, il faut passer devant le transformateur, traverser à nouveau le gué, afin de rendre la voiture et de me reposer après cette virée, dont j'ai omis de vous dire qu'elle avait commencé à Agouim en début d'après-midi. Eh oui ! Je ne saurais abandonner tous mes projets de retour à la terre promise. Un petit reportage en ce sens après la série « mines d'imini » ?
AHMED DZAGUISSE
Notre ami Ahmed DZAGUISS, infirmier aux mines d'Imini, est décédé le 10 avril à Marrakech.
Ayant subi une opération à l'hôpital Avicenne de Rabat il y a deux ans, et souffrant d'une très grande fatigue, il a succombé à une attaque cardiaque imprévisible.
Ses anciens camarades, prévenus, ont aussitôt relayé la nouvelle. Cruelle fin pour celui qui avait soigné et secouru de nombreuses personnes à l'infirmerie des mines d'Imini, où il officiait.
Se souvenir d'Ahmed, c'est remonter à la fin des années 50, quand nous étions trois français heureux de fréquenter l'école marocaine (Françoise, Jean-Louis et moi-même). Des années heureuses sous la férule de Mr Romano, des années de découvertes, de partage, d'apprentissage intercommunautaire.
Nous étions dans l'insouciance d'enfants de CM1 et CM2, avec toujours des niches, des blagues, des bêtises dans lesquelles nous excellions presque tous avec les Tabouzit, Berkou, Hebbaz, Bammou, … et tant d'autres qui profitaient de nos pitreries. Et nos maîtres ont eu fort à faire pour nous inculquer la discipline. Nous étions une bande de gamins facétieux !
Dans ce registre Ahmed était sans aucun doute un as, et faisait la paire avec son grand ami Ahmed SOSSO. Comme en témoigne Mohamed BAHTITI, qui les fréquentait de près : « ces deux-là étaient inséparables tant dans les plaisanteries que dans l'amitié. » Et de raconter les séances de baignade à la piscine de Tighermine, à celle de Bou Tazoult, des séances ponctuées de plongeons, de jeux, de farces, de rigolade perpétuelle. Les courses et les jeux dans la montagne, dans le village où ils échappaient toujours à leurs poursuivants.
Curieusement les deux amis ont embrassé la même profession d'infirmier, commencée à Bou Tazoult sous la baguette de El Ghazi, et de plusieurs médecins qui les ont encadrés avec sérieux, les Drs BLAIN, FARON, LAPEYRE. Une réelle complicité les unissait tous dans l'exercice d'un « sacerdoce » auprès de la population iminienne tant pour les mineurs que pour leurs familles. Quand la vie dans le bled était source de maladies, d'accidents, de misère, … toutes sortes de maux qu'il fallait soulager, toutes sortes de personnes qu'il fallait soutenir. Dans cet exercice Ahmed DZAGUISS était performant, amenant le sourire à ses patients grâce à ses fantaisies, leur faisant oublier leur douleur, … tout en pratiquant son art avec conscience et dévouement auprès des mineurs et de leurs familles. Il en a vu défiler des enfants, des femmes, des hommes !
Et Joseline DECAILLOZ de nous rappeler que, lors de son deuxième accouchement, Ahmed DZAGUISS assistait le Dr FARON, qui trouvait en lui un aide assoiffé de connaissances et désireux de progresser dans son métier.
Hama ALAYA, ancien « coreligionnaire » soignant de l'infirmerie a également partagé des années professionnelles avec Ahmed et, lors de son départ en retraite, lui a cédé la place à l'infirmerie de Timkkit. Il s'est rapproché de la famille lors des funérailles et lui a apporté le réconfort nécessaire, et transmis toute l'affection que l'éloignement empêchait la colonie iminienne de lui assurer sur place.
Monsieur ROMANO s'est ému de la disparition de cet ancien élève : « J'apprends avec une grande tristesse le décès de DZAGUISS, je l'aimais beaucoup parce qu'il avait de grandes qualités. C'est lui, et son inséparable ami SOSSO, qui ont organisé mon séjour lors de mes 2ème et 3ème voyages à Ouarzazate. J'en ai les larmes aux yeux en me souvenant de quelles manières, ma femme et moi, nous avons été reçus … et fêtés !
Sur ces deux lascars j'aurais beaucoup de choses à raconter. Aujourd'hui je ne raconterai qu'un épisode de leur vie d'écolier. En fin d'année scolaire j'avais organisé une fête, avec distribution des prix aux plus méritants, agrémentée de chants et saynètes. L'une d'elle était jouée par ces élèves et avait pour titre : « Le corbeau et le Renard » fable de La Fontaine. Le corbeau était joué par SOSSO et le renard par DZAGUISS : çà leur convenait à merveille. Et depuis ce jour-là ils ne s'interpelaient que de cette façon : « Hé maître corbeau » ou « Hé maître Renard ». Ce retour sur ce passé me remue le cœur. Je te charge de présenter mes condoléances à sa famille. Roch Romano. »
Moi-même, lors d'un passage à Bou Tazoult, j'avais retrouvé Ahmed DZAGUISS à l'infirmerie, comme si nous n'avions jamais été séparés par la distance ou par le temps. La complicité d'origine avait suffi à gommer l'espace, et les plaisanteries fusaient aussitôt à l'évocation de nos années communes d'adolescence. Nous avons gardé un contact épistolaire et téléphonique à l'occasion. Mais pas facile de le toucher, quand il partait sans cesse dans son bled de Tizgui N' Barda, sur la route de Telouet.
Non, Ahmed DZAGUISS n'était pas oublié au bout de ces 50 années de séparation.
Retiré à Ouarzazate, il vivait auprès de sa famille, voyageait avec ses amis. Maintenant il repose dans le grand cimetière de Ouarzazate où nous lui souhaitons de trouver la paix éternelle.
La diaspora iminienne, éparpillée sur tous les continents, présente ses sincères condoléances à sa famille et l'assure de toute sa sympathie dans cette cruelle épreuve. Nous sommes nombreux à pleurer cette absence dorénavant.
Qui n'a pas le souvenir de ses yeux plissés de malice, de ses mimiques permanentes, de sa conversation ponctuée d'humour ? Nous le garderons en mémoire. Repose en paix l'ami.
Ayons aussi une pensée pour tous nos camarades partis avant les autres, et qui nous manquent …
Photo 1 Ahmed en famille (photo Mohamed Bahtiti)
Même barbu, il est reconnaissable à son oeil vif, toujours malicieux.
NB : pour retrouver Ahmed DZAGUISS et Ahmed SOSSO, reportez vous à un article paru le 24 avril 2009 dans le blog timkkit2008, où ils apparaissent à l'école au milieu de leurs compagnons de classe, sous la houlette de Mr Romano.
Photo 2 la classe de Mr Romano en 1956-57.
24 avril 2009: Message de Bammou aux iminiens, Photo 3 : année 1956-1957
Assis : MAJBOUBI (Ben Charjane), HEBAZ Boujema, HEDRANE (Telouet), MOUNA Hassan, M'HAND Meziane, RERKOU (Betatar), OUZDINE (Agouram), SOSSO Ahmed, TAABOUT, BELAÏD Hafid, BAHTITI Ahmed, BELAOUI Ahmed.
Debout 1er Rang : Mr ROMANO, STIDJI, ALAYA Ali, BOUHOU Mohamed, AHOUKAR Ali, Hassan (Taliouine), TALMI (imghri), DZAGUISS Ahmed, MOUNA Ahmed, HAMADI Meziane, AÏT MEKI Mostafa (Oueld BabLkhir), JEBRI Abdelkader, Mr CHAKIRI Abdelkebir, instituteur.
Debout 2ème rang : ALAYA Hama, TABOUZIT Kacem, Feu IMGHRI Abderrahmane, NHARI Mohamed (Maçon), JOUICHI (Oueld Miaïcha), MOUNA Mohamed, AZIZI Mohamed (Mohamed OUMBARK), Ahmed BEN SALAH, TAMELOUCH Mohamed, IMGHRI Abdellah.
Nous aurions pu solliciter davantage de témoignages, mais les lecteurs qui le souhaitent peuvent intervenir dans les commentaires.
Profitez-en pour vous demander ce que sont devenus tous ces enfants. Certains sont sortis du cocon d'Imini pour embrasser une belle carrière, ou sont devenus célèbres pour des évènements heureux ou malheureux. Je ne saurais vous dire tout sur leur passé et leur avenir, mais vous pouvez chercher et témoigner.
TRAVAUX D'HERCULE SUR LE ROUTE DU TICHKA
Avertissement de l'auteur: "Avant de relater la suite, « Travaux d'Hercule sur la route du Tichka », il convient que j'apporte quelques précisions. Ces articles traitaient de mon séjour de novembre à Marrakech (cf le blog de mangin@marrakech cliquer ) et à Ouarzazate (dont vous avez eu précédemment un aperçu sur ce blog de timkkit2008 cliquer), … mais j'y suis retourné en février (et je vous en ai averti aussi).
En conséquence j'ai observé de nouveaux changements sur cet itinéraire, effectué en plein jour et sous le soleil, dans le sens Ouarzazate-Marrakech. Plutôt que de transformer totalement mon article initial, je me suis contenté d'apporter quelques « correctifs » en couleur verte qui traduisent mes impressions vécues lors de ce second trajet, pour lequel je ne conduisais pas. Véhiculé par un chauffeur de taxi, j'ai eu le loisir de prendre des photos à la volée, sur mon téléphone portable, ce qui explique que la résolution n'en soit pas exceptionnelle, ou qu'il y ait des reflets de pare brise. Toutefois cela vaut le « détour » puisque nous évaluons davantage la portée des travaux.
Ce mélange de séjour novembre 2018 et séjour février 2019 ne me vaudra assurément pas le Goncourt. D'autant que votre lecture n'en sera pas facilitée. Vous éprouverez quand même le plaisir de replonger dans des paysages perdus de vue, et transformés." Jean-Yves Tramoy
Travaux d'Hercule sur la route du Tichka
Passé le col du Tichka et la barre rocheuse de l'Atlas, la route serpente encore dangereusement pendant quelques kilomètres, descend abruptement en quelques virages serrés, vers Taddart dont j'ai rappelé le côté Far West dans le premier volet de la série. Les panneaux de l'Equipement préviennent du danger et affichent une photo éloquente. Malgré tout vous ne reconnaîtriez pas le tracé, bien amélioré, la largeur en trois voies, le revêtement tout neuf, les glissières de sécurité, … ! Incroyable, ça nous change de nos années « Tichka » aventurières, parfois à patienter derrière le convoi de camions de manganèse, dans le brouillard, ou dans la neige, à proximité de précipices vertigineux.
Des éventaires de pierres sont installés en bord de route, plus ou moins importants. Lors des moments de pluie ou de froid, le vendeur se calfeutre dans sa cahutte, les pierres offertes à la vue, ou à la main des visiteurs, qui ont aussi froid que lui et ne se risquent pas à l'extérieur de leur véhicule.
Photo 1 le panneau routier prévient du danger malgré la beauté du site.
Photo 2 information des travaux dans le secteur Toufliht-Taddart.
Au pied de la montagne rapidement atteint, les camionneurs peuvent enfin respirer, espacer leurs freinages, adopter une conduite plus souple sur la trois voies, et voient l'entrée de Taddart avec un soulagement évident, et le besoin irrésistible d'y faire halte pour se rassasier de quelques grillades arrosées d'un café fort. C'est mérité après ce qu'ils viennent de vivre au volant. La bourgade vit jour et nuit sans interruption, au gré des passages. Douches et bains sont même proposés en bord de route pour le délassement des chauffeurs.
Photo 4 la rue unique de Taddart.
L'habitat du village demeure rural, escarpé. Les villageoises, responsables du ravitaillement en eau et de la corvée de bois, ploient sous la charge, et ont le pied sûr des mulets pour grimper jusqu'à leur maison de pisé, … et ne supportent pas être photographiées. Les injures pleuvent, à tort puisque je ne photographie que le paysage, mais elles se méprennent sur mon intention ou se basent sur des situations vécues précédemment avec d'autres touristes.
Toutefois elles connaissent les prémices de la modernité : une poubelle collective en plastique est sagement rangée en bord de route. Il ne manque plus que le camion-poubelle, … et sans doute la décharge publique raisonnée. Nous n'en sommes qu'à l'aube de l'écologie.
Photo 5 les maisons escarpées de Taddart.
Rassasiés et reposés, les chauffeurs reprennent le volant de leur camion, parfois semi remorque, mais ils savent ce qui les attend après Taddart : les travaux, encore les travaux, toujours les travaux pendant des kilomètres épuisants à 30 km/h souvent sur un revêtement dégradé, défoncé, avec des cailloux sur la route, des petites inondations, des déviations, … le plaisir en somme !
Comme dit précédemment, tous les virages doivent « sauter » en même temps, au profit d'une meilleure sécurité. Ca part d'une bonne intention, mais rien ne changera dans le mode de conduite des chauffards peu enclins à observer les règles de bonne conduite. Mon chauffeur, qui conduit bien, n'échappe pas à la règle. A l'instar de ses compatriotes, il s'autorise tout l'espace libre et emprunte la voie adverse pour gagner de la souplesse en conduite. Diable ! Pourquoi s'embêter quand il y a de la place ? Dans ce virage il est carrément dans le couloir opposé, tant il n'y a pas de danger POUR LUI ! Ah, le ruban est beau, lisse et bien dessiné, la courbe élégante, … pourquoi ne pas en profiter ? Quand la route sera terminée, il y a gros à parier que le nombre d'accidents augmentera à vitesse exponentielle.
Photo 6 l'occupation de la voie opposée.
Ce ne sera jamais une autoroute, on traversera toujours des villages où les piétons et les ânes continueront à longer la route, où les enfants marcheront jusqu'à l'école, des ralentissements en perspective qui augmenteront le danger pour les piétons.
Photo 7 l'âne chemine tranquillement.
Les chantiers sont colossaux, les moyens engagés énormes, les effectifs d'ouvriers conséquents, et le ballet des camions d'évacuation permanent. Les ouvriers travaillent, par tout temps, en bord de route, sans protection aucune, au mépris du danger. On est loin de la réglementation française en matière de travaux sur une route !
Photo 8 les ouvriers en bord de route.
Photo 9 la pente abrupte de démarrage du chantier.
Cette photo prise quelques kilomètres avant Toufliht témoigne des pentes abruptes attaquées par les premiers engins, et encore là ce n'est que de la terre rouge assez malléable, ailleurs c'est de la roche qu'il faut parfois dynamiter, avant que les engins plus massifs puissent accéder au sommet pour l'écrêter et détacher la roche de la paroi.
Photo 10 l'engin commence le chantier dans le virage.
Voilà comment commence le chantier de « descente » de la montagne, par le décaissement vertical des roches pour initier le nouveau tracé. Puis les évacuations successives dessinent la nouvelle courbe beaucoup plus allongée, entre la montagne et un croissant resté en séparation de l'ancienne voie.
Photo 11 le dessin des deux courbes ancienne et nouvelle.
Photo 12 la même portion de voie en février.
Au bout du compte, la future « avenue » apparaît peu à peu. Finis les coups de volant, les embardées dans les virages en épingle à cheveu. Nos ancêtres iminiens n'y croiraient pas !
Photo 13 l'« avenue » en chantier.
L'insécurité routière, les pluies diluviennes provoquant des chutes de roche, les effondrements sont la justification de tous ces travaux gigantesques … pour quelques années encore. Et en hiver ça promet des beaux « embourbements » des engins de chantier.
Progressivement le décaissement de la route permet de mesurer l'ampleur du travail. Et l'on mesure mieux la largeur du manteau de montagne à rogner pour redresser la route.
Photo 14 le décaissement impressionnant.
Photo 15 les travaux dans l'oued.
Les travaux dans l'oued sont encore plus impressionnants. Dans un premier temps le lit est obstrué en partie par une digue sur laquelle les engins préparent le terrain, creusent les fondations du mur, et ensuite dégagent les gravats. Tous les matériaux proviennent des coupes de virages. Le chantier est proche et le transfert d'autant plus rapide. La seule difficulté consiste à planifier les travaux de chaque côté, pour déverser les blocs de roche dans le lit de l'oued.
Déjà les ferrures installées dessinent le squelette du futur mur bétonné monté plus loin, servant à la fois d'élargissement de la route vers l'oued et d'effacement de la courbe.
Photo 16 le squelette de ferrures à béton.
Photo 17 le mur bétonné protégeant la route.
Cette passerelle brisée témoigne de la violence du courant lors des fortes chutes de pluie, et démontre la nécessité des travaux définitifs pour ne pas en recommencer la construction chaque année.
Photo 18 la passerelle brisée.
Là aussi une halte à l'auberge de Tagudalt, précédant le village de Toufliht, est indispensable pour se décontracter et caler un estomac malmené par les conditions routières éprouvantes. 30 km/h de moyenne, derrière des camions : ça creuse, ça énerve ! Le remède est tout trouvé : un thé à la menthe, quelques biscuits.
Photo 19 l'entrée de l'auberge de Tagudalt.
Voir Toufliht, c'est voir le bout du « tunnel » et pouvoir accélérer un peu l'allure, quoique le village soit aussi en travaux, mais on sait aborder la fin du chantier pharaonique. Dès le passage de la source la pente du terrain s'adoucit, et une grande auberge se construit dans le centre bourg, peinte en un rouge profond pour ne pas la manquer.
Photo 20 le village de Toufliht.
La route est meilleure pour rejoindre Marrakech, malgré le temps maussade, qui ne s'éclaire que dans la banlieue de la grande ville. La fin du voyage est silencieuse, un silence de fatigue. Notre dernier plaisir consiste à emprunter la route de la médina, longer les golfs et passer devant le Méchouar.
L'arrivée à l'hôtel Chems est un soulagement au terme de cinq heures de trajet depuis l'« embranchement » de Sainte Barbe-Ouggoug et nos haltes touristiques.
Photo 21 la Koutoubyia depuis la chambre de l'hôtel Chems.
D'abord regarder si la Koutoubyia est toujours à sa place depuis notre séparation. Un rayon de soleil illumine la Merveille.
Ouf ! Une douche bien chaude, une bonne bière au bar de l'hôtel, … et le séjour à Marrakech peut continuer.
Photo 22 le pacha se fait cirer les chaussures.
La deuxième version, celle de février, se termine plus prosaïquement à la terrasse d'un bar de la rue piétonne, à proximité immédiate de Jemaa el Fna. Je me laisse convaincre par un cireur de chaussures de lui confier mes mocassins de cuir noir. Et aujourd'hui je ne regrette pas l'initiative qui montre l'adresse avec laquelle il traite mes chaussures : depuis un mois je n'y ai pas touché, elles conservent le même éclat. Il avait bien mérité la grosse pièce que je lui ai donnée en échange de son art et de la sympathie qu'il dégageait. Tous les deux nous étions satisfaits de notre rencontre imprévue.
La suite au prochain numéro, très bientôt.
BONUS: Le quotidien Le Petit Marocain du 15 avril 1936, nous laisse à penser que la route était fort étroite il y a 80 ans. Le photographe Boyer avait illustré le terrible accident d'une auto blindée renversée dans l'oued au fond du ravin en contrebas de la route du Tichka. Deux militaires furent tués et deux autres blessés dans cette sortie de route.
REGRETS... mais pas éternels !
Regrets, mais pas éternels (un nouveau récit de Jean-Yves Tramoy, alias Boutazoult
Ouarzazate, hôtel Amlal ce vendredi 23 novembre, il est 7 heures, le jour point à peine. D'abord il est tôt, et le soleil n'est pas encore levé, mais en écartant les rideaux une grande désillusion : la pluie, la pluie, et encore la pluie glisse le long des carreaux, lessive le macadam, les voitures et les poussières accumulées les jours précédents ensoleillés. Aujourd'hui risque d'être un mauvais jour. Déjà le carrelage de la chambre est glacé, et pour être chaude au robinet l'eau doit couler un bon moment. Une douche froide ? Brrrr ! Inimaginable !
Sur le petit balcon, je teste la température, et, horreur, il fait à peine 5 ou 6 degrés, pas plus.
Après une douche qui s'avère réconfortante le moral remonte, tandis que nous gagnons la salle du restaurant, où les tables dressées nous accueillent dans un décor agrémenté de tableaux représentant des scènes folkloriques et des paysages marocains très colorés.
Photo 1 le petit déjeuner francomarocain.
Une fois dévoré crêpe mille trous, msemem (crêpe feuilletée), pain frais, beurre, confiture de fraise, miel accompagnés d'un café noir très fort … c'est encore mieux. Et nous rêvons que la pluie s'arrête, que le ciel se dégage, tout en sachant que le problème n'est pas ici ; il est dans l'Atlas où la pluie, voire la neige gonflent rapidement les oueds.
Nous quittons Ouarzazate sous une pluie battante, en allant d'abord à la chapelle modeste baptisée « église » sur le panneau directionnel au pied de la mosquée.
Photo 2 l'église de Ouarzazate autrefois.
Auparavant l'église ressortait dans un grand espace vide, maintenant elle est encerclée par des bâtiments de toutes sortes, qui la dominent.
Cette chapelle est un vestige de la communauté catholique de Ouarzazate des temps anciens, mais demeure la petite paroisse maintenue par les Soeurs franciscaines résidant encore ici et accueillant les quelques ouailles de passage pour un office dominical. Quoique parfois la personnalité des ouailles surprend, comme le rapporte l'anecdote ci-dessous.
En avril 2014 par Mick Ramayet, de passage à Ouarzazate : « dimanche passé, c'était le dimanche des Rameaux, juste avant la semaine Sainte dans laquelle nous sommes ... Nous n'étions pas nombreux à Sainte Thérèse, une trentaine, mais de grande qualité, bien sûr : les soeurs au nombre de trois, le père très âgé qui a fait l'aller et le retour depuis Marrakech en bus pour célébrer la messe de la Passion, les fidèles de Ouarzazate et des environs, quelques Marathoniens des Sables et à ma grande surprise,...
la famille Royale de Belgique, SAR le Roi Philippe de Belgique, SAR la Reine Mathilde de Belgique et les quatre princes et princesses étaient parmi nous ... »
Photo 3 le portail de l'église aujourd'hui.
Aujourd'hui l'église est ceinturée par un mur équipé d'une lourde porte métallique fermée, que les soeurs franciscaines n'ouvrent qu'à l'heure des cérémonies religieuses. La minuscule cloche reste silencieuse, immobile dans son clocher blanchi, et on repart aussitôt … en faisant des prières pour que la pluie cesse, que l'oued Imini ne déborde pas au gué de Sainte Barbe-Ouggoug. Une fois suffit : pour un échec en novembre 2006 où Maman n'a pas eu la possibilité de rejoindre Bou Tazoult à cause des pluies abondantes : le seul jour dans notre semaine de présence.
Nous roulons sous la pluie, toujours la pluie sur un pare-brise crasseux, … au point d'être arrêtés à un contrôle de gendarmerie, pour n'avoir pas vu le minuscule panneau « Stop » installé au ras du bitume. Mais nous sommes libérés aussitôt par un jeune gendarme gêné par la pluie, et appelé opportunément sur son portable. Une chance ! Al Suerti ! comme on dit en langage local.
Les kilomètres se poursuivent sous le même déluge, jusqu'à Iflilt d'où nous apercevons la maison en haut de la colline, celle que tout iminien utilise comme repère, la Koutoubyia iminienne : la maison du directeur.
Photo 4 la maison du directeur.
Photo 5 les maisons de Sainte Barbe-Ouggoug.
On la distingue à peine, dans un halo humide et quelques gouttes résiduelles sur le pare-brise, de même pour les autres maisons de ce versant donnant sur l'oued. Cette pluie fait des heureux : le château d'eau et la végétation ; plus tard ce sont les habitants qui en profiteront dans leur jardin et au robinet.
A l'« embranchement » on craint déjà le pire en voyant deux camions chargés de minerai descendre lentement vers le radier. Mais on prend des photos d'une banderole suspendue et de drapeaux marocains semblant indiquer qu'un événement s'est déroulé là dernièrement.
Photo 6 la banderole à l'embranchement.
Photo 7 les drapeaux marocains et la borne.
Alors, seulement, nous allons vers l'oued … en légère crue, mais nerveuse ! Les épisodes anciens de crue brutale et de véhicules emportés nous enclinent à la prudence.
Photo 8 l'oued en crue. - Photo 9 quand l'oued est à sec.
La lecture des deux photos permet de comparer la hauteur du radier en amont d'une part, et l'érosion en aval d'autre part. Les années se suivent, les crues aussi, les dégâts également. Il faudrait un pont.
Après réflexion nous arrêtons là notre tentative de traversée, ne sachant pas si le passage est possible, mais surtout ne pouvant faire un pari sur les possibilités de retour.
Un homme en burnous se présente près de l'eau, il ôte ses chaussures, remonte soigneusement ses bas de pantalon et s'engage précautionneusement, évitant de glisser sur la boue et d'être emporté par le courant capricieux. Il réussit, tandis que nous rebroussons chemin, fort dépités de cette deuxième tentative avortée en 12 ans. La veille tout allait bien, le soleil brillait sur l'Atlas, sur Telouet, sur Aït Ben Haddou, sur Ouarzazate, … et le lendemain sans doute tout aurait été possible après la fin des chutes de pluie et de neige. Vraiment c'est pas de chance, mais c'est un excellent prétexte pour revenir.
Regrets de n'avoir pu aller jusqu'à Bou Tazoult !
Regrets aussi de n'avoir pu faire un reportage pour nos amis iminiens restés chez eux, et qui auraient été heureux de voir les photos récentes de leur village ! Je vous promets d'y retourner. Parce que je suis assez égoïste pour ne pas rester sur cet échec.
Du coup, le moral en berne … quelques instants. Nous reprenons la direction du Tichka, traversant des villages déserts, où tous les habitants se calfeutrent dans leur maison. Une mosquée en bord de route tranche par ses décors sur la grisaille environ-nante.
Photo 11 la mosquée colorée.
Nous trouvons quelques segments de route inondés, de multiples cascades dévalant les pentes, nous croisons très peu de véhicules, mais ils sont enfarinés de neige.
Photo 12 la petite cascade.
Cela nous promet une traversée de l'Atlas délicate à tout le moins, et ça nous rappelle des épisodes anciens sous plus de trois mètres de neige.
Photo 13 le panneau d'Agouim et la neige.
Arrivant à Agouim, nous constatons que le village s'est fortement développé de chaque côté de la route, il est maintenant doté d'une station service moderne et surdimensionnée ayant remplacé l'antique relais de carburant avec son bidon de 200 litres et sa pompe à main. Wi Fi, restaurant, sont annoncés sur le panneau.
Le plafond est bas, la luminosité presque nulle, les montagnes environnantes sont couvertes d'un saupoudrage de neige des plus esthétiques. Les véhicules projettent des gerbes d'eau, les piétons en burnous épais zigzaguent entre les flaques, nous obligeant à une conduite prudente.
Après un virage en épingle nous montons vers l'ancienne Communauté franciscaine. La chapelle et le dispensaire sont fermés depuis longtemps. Tout semble déserté, abandonné, nous sommes vendredi, jour de prière, jour de relâche pour les élèves et les moniteurs.
Photo 14 l'atelier de menuiserie.
Nous le savions, mais ne nous plaignons pas, parce qu'ainsi nous avons quartier libre pour investir les lieux, prendre des photos à notre guise.
Un gardien habite dans le logement des Pères, il apparaît à la porte de la cuisine. Loin de nous interdire quoi que ce soit, il vient s'enquérir de nos personnes et nous invite à découvrir tous les extérieurs. A l'évocation du Père Norbert, de ses compagnons, des mines d'Imini, … il s'ouvre et se présente comme ancien élève de Monsieur ROMANO, et découvre que nous avons partagé les bancs de l'école marocaine. Il était surnommé par son maître Lahcen l'« électricien », pour la bonne raison que son père était électricien à la mine, et pour le différencier d'un autre Lahcen partageant sa classe (serait-ce Lahcen Berkou ?).
Photo 15 Lahcen l'« électricien » et son épouse.
Photo 16 le poulailler et les dépendances.
Hormis le gardiennage des locaux, l'abandon est manifeste, et le poulailler en est un triste exemple. Là où la basse cour abritait des poules, des coqs et des lapins, produisait des oeufs, le grillage ne protège plus que des cages démantibulées où les renards ne mettent plus les pieds.
Les doigts nous démangent de remettre en état tous ces outils tellement nécessaires à l'alimentation de la famille du gardien, pour le moins.
Photo 17 l'ancien gardien, … à l'allure de Père franciscain.
Quelques clichés plus tard,...
après avoir rencontré aussi la femme de Lahcen et son prédécesseur à la Communauté nous repartons en direction de la montagne et traversons lentement Igherm devant l'auberge Drouin fermée, non loin du traditionnel ralentis-sement face de la gendarmerie.
Photo 18 la « forteresse » du grenier communal d'Igherm.
Photo 19 la porte donnant sur la cour de l'auberge Drouin.
Un peu plus de monde dehors, surtout des hommes, le village semble se réveiller peu à peu. Direction Aguelmous où un panneau annonce l'édification d'un village de vacances en place des installations du téléphérique.
On ne peut que se réjouir de constater la nouvelle vocation des anciens bâtiments.
Photo 20 le panneau de construction à Aguelmous
Davantage de véhicules légers roulent dans les deux sens, mais sans précipitation. Toutefois avant le col du Tichka nous constatons deux accidents de tôle froissée par excès de vitesse et imprudence sur un sol légèrement enneigé. Ceux-là ne sont pas prêts à repartir, les voitures sont fracassées, et ils attendent la dépanneuse.
Photo 21 les engins de travaux publics en arrêt « intempéries ».
Au carrefour de la route de Telouet, un rassemblement d'engins de terrassement, de camions, de bulldozers montre l'importance des travaux routiers entamés dans le secteur.
Photo 22 les bâtiments du col au loin.
La couche de neige s'épaissit et les locaux commerciaux du col s'enfoncent dans leur manteau blanc, frigorifiés, balayés par le vent.
Sitôt passé le col la route est sèche, seuls les versants montagneux conservent une fine pellicule blanchâtre : curieux contraste montrant que le vent a joué un rôle important dans les précipitations. Le refuge et le bar voisin sont fréquentés par des passagers soulagés de trouver enfin la route en bon état de rouler et heureux de se mettre au chaud pour une boisson réconfortante.
La suite au prochain numéro, très bientôt.
CAP AU SUD, UN VOYAGE RÉCENT DE JEAN-YVES À BOUTAZOULT
Amis iminiens,
Pour faire plaisir à ceux qui ne peuvent aller au Maroc dans l'immédiat, je vous relate notre petite semaine passée dans le sud marocain en novembre dernier, sous un soleil bien sympathique.
Les choses ont bien changé, et je réaliserai un reportage plus important pour notre blog <timkkit2008>, et pour celui des marrakchis <mangin2marrakech>. J'ai vu des changements, beaucoup de changements, je vous expliquerai tout ça en détail.
En attendant, je vous souhaite une bonne lecture et vous invite à réagir en postant des commentaires, en posant des questions auxquelles je répondrai volontiers, pour garder vivante en vous cette flamme iminienne. Amitiés à tous. Jean-Yves.
Cap au sud
Photo 1, lever du soleil à l'hôtel Chems, Marrakech
Marrakech, hôtel Chems, ce jeudi 22 novembre, il est 7 heures 30, les oiseaux chantent déjà en voletant d'arbre en arbre dans un ciel projetant ses rayons roses sur la Koutoubyia. Il fait encore frais quand notre voiture de location démarre pour Ouarzazate par le chemin des écoliers. Pas de précipitation ! Dès à présent nous roulons pour le plaisir, et commençons par longer les remparts depuis Bab Jdid jusqu'à Bab Doukkhala pour prendre la route vers Chouiter, Aït Ourir. Le ruban est rectiligne jusqu'au carrefour avec la route de Fes. Le revêtement semble en meilleur état que lors de nos visites précédentes, sans doute a-t il été refait. La circulation est encore clairsemée, les villages s'éveillent à peine, quelques écoliers en blouse blanche attendent le bus scolaire sur le bas côté tandis que les vélomoteurs emportent les travailleurs matinaux plutôt prudemment. Pour éviter les accidents la route est partagée en deux voies par un trottoir, que les cyclistes franchissent quand même.
La première bourgade, Chouiter, a bien changé, une succession de ronds-points ralentit la circulation sur des pseudo avenues abritant une première rangée d'immeubles magnifiques, en masquant d'autres plus rudimentaires derrière eux. Chouiter, village modeste autrefois, est devenu un centre important, accueillant la population « chassée » de Marrakech par la hausse des prix.
Nous faisons bien attention à notre conduite, à respecter la vitesse autorisée, nous ne sommes pas à l'abri d'un contrôle inopiné de la gendarmerie, … dont vous connaissez les finesses et les réductions de tarif selon que vous renâcliez ou acceptiez de payer en liquide.
Ensuite apparaît le pont sur le Zat à l'entrée d'Aït Ourir, le lit très large laisse couler une étroite bande d'eau couleur chocolat entre les blocs de rochers impressionnants, roulés par les crues.
L'auberge proche du pont semble désertée, fermée définitivement, tandis que celle du Coq Hardi voisin est éclairée et abrite des véhicules de clients.
Un dernier rond-point immense nous dirige vers la droite en direction de l'Atlas, longeant une haie dense formée d'innombrables figuiers de barbarie couverts de fruits mûrs.
Le jour est bien levé maintenant et le soleil ne tarde pas à nous accompagner, réchauffant la campagne et facilitant la sortie des habitants. Nous sommes bien lancés, et nous commençons à porter attention à l'itinéraire, reconnaissant ça et là des détails, nous ramenant dans le passé pour deviner la suite de notre itinéraire.
Photo 2. Toufliht, berceau de nos amis Aomar NOUKRATI et Mohamed DOUIDER, les chasseurs de sangliers
Quelques dizaines de kilomètres plus loin Toufliht est là, défiguré par des travaux conséquents dès l'entrée pour améliorer la route et ouvrir de nouveaux tracés vers la montagne. Une fois passé devant les vieilles maisons forestières en pierre, en réfection également, et la source bien connue dans le dernier virage, nous faisons halte devant l'auberge Tagdalt, uniquement pour quelques photos. Un vent glacial nous chasse pour stopper trois kilomètres plus loin sur un espace surplombant la vallée de Zerekten : de gros travaux sont lancés, avec des engins de travaux publics en nombre et une station de béton. Là encore un arrêt rapide pour immortaliser l'apparition des premières neiges sur l'Atlas.
Photo 3, depuis la vallée de Zerekten : les premières neiges sur l'Atlas
En fait commence ici la succession des chantiers intervenant sans interruption jusqu'à Taddert. Tous les virages, que nous avons connus dangereux, que nous avons redoutés, sont en cours d'éradication, … partout en même temps. C'est dire le nombre d'équipes mobilisées, d'engins de travaux publics, de véhicules réquisitionnés. La route est souvent totalement défoncée, le goudron arraché, les voies déviées selon les nécessités. Dans l'oued, des fondations et des murs en béton armé sont montés à distance de la route pour en protéger les rives détruites par les crues précédentes. Des gros blocs de rocher abattus de la montagne combleront les espaces et soutiendront des murets ou des glissières de sécurité.
Pour commencer le chantier dans un virage un bulldozer grimpe d'abord sur la pente très prononcée de la montagne ; arrivé au sommet, il sonde le sol à coups de perforateur vertical, fait basculer la roche vers le bas, que d'autres engins récupèrent et évacuent sur des camions énormes, puis les tractopelles dégagent les débris vers des décharges plus éloignées.
Peu à peu une brèche se dessine, s'ouvre large comme une autoroute ou presque, afin d'anticiper les futures chutes de pierres lors des fortes pluies. La route sera effectivement beaucoup plus rectiligne, d'autant que les courbes des oueds seront également adoucies, permettant ainsi aux cultivateurs de sauver quelques lopins de terre à chaque inondation torrentielle.
On a hâte d'arriver à Taddert, qui reste le village comme on l'a connu, cette espèce de village du Far-West marocain à rue unique, toujours bosselée, boueuse, ou poussiéreuse, encombrée de véhicules garés à la va comme je te pousse, au mépris de la moindre sécurité. Tous les véhicules, voitures, cars, camions se garent au plus près des restaurants, des gargotes fumant de leurs barbecues et canouns 24h/24. La barrière de neige est levée libérant le passage, tandis que les chasse-neige, déjà équipés, sont prêts à intervenir à la moindre alerte.
Photo 4, le panneau d'avertissement
Après Taddert, la route a déjà connu des améliorations véritables, retracée et surtout élargie, sur trois voies dans certains tronçons, … et c'est là que les conducteurs irresponsables de voiture ou de camion se permettent des fantaisies suicidaires. Ils coupent les virages en venant dans la troisième voie, face à ceux qui les croisent. Grave, grave, grave ! La Gendarmerie Royale n'est jamais là pour sévir. En 2012 un car avait fini sa course dans le ravin faisant plus de quarante deux morts. On espère que l'amélioration de la route poussera les conducteurs à une meilleure attitude.
Au fur et à mesure de la montée vers le col la température baisse, et un arrêt là haut ne dure pas longtemps, sinon pour un petit bol d'air et quelques photos volées avant qu'une horde de vendeurs de « magnifiques » améthystes, colorées à l'encre subtilisée dans les écoles, ne se précipite à nos trousses. La bise froide les décourage un peu de courir en vain derrière les touristes. Quelques mots dans leur langue les calment, et ils comprennent à qui ils ont affaire.
Notre option est de tourner vers Telouet, dont la route démarre quelques kilomètres plus loin sur la gauche. Autrefois une maison de gardien de travaux publics servait de repère en bord de route. Abattues, elle a laissé sa place à une grande plateforme où est garée une nuée d'engins de travaux publics de toutes sortes intervenant entre le Tichka et Telouet.
Photo 5, les engins de travaux publics près de l'embranchement pour Telouet
Les inondations des années précédentes ont raviné les pentes, emportant des radiers, des ponts. Tout est à refaire, et des équipes d'ouvriers s'y attaquent sans relâche. Adieu la piste cabossée, gravillonnée que nous avons connue. Lui succède une route encore en travaux, mais nettement meilleure, goudronnée sur de grandes distances, qui nous conduit à Telouet plus aisément. Les suspensions des taxis et camions traditionnellement chargés au-delà de la raison souffrent moins. Au détour d'une courbe nous apparaît la forme massive de la casbah du Glaoui, dans toute sa majesté ocre, dominant un village croissant au cours des années.
Photo 6, la casbah de Telouet en majesté
Jour de marché ! Les habitants de la contrée s'activent au même moment que la sortie des écoles. Il y a de la vie, et de la fantaisie vestimentaire dans la rue. Les élèves chahutent, tandis que les habitants pérorent et traitent quelques affaires. Il n'y a que des hommes, les femmes sont aux fourneaux.
Nous allons directement à la casbah, cernée de nouvelles maisons, de restaurants, si bien que nous avons un peu de mal à reconnaître le chemin …
Photo 7, les anciennes écuries du Glaoui
Les belles écuries où le Glaoui abritaient sa cavalerie chamarrée sont transformées en commerces de souvenirs et autres produits artisanaux, dont les vendeurs vantent la qualité exceptionnelle auprès des visiteurs. Nous parvenons à leur échapper et gagnons l'entrée de la casbah où une pancarte écrite en français annonce « entrée de la casbah 20 DH pour la rénovation » !!! Le prix a augmenté depuis notre dernier passage, il est devenu officiel mais … pour la rénovation on repassera.
Photo 8, le panonceau à l'entrée.
Le bâtiment, au demeurant majestueux, imposant, tortueux, tombe en ruine progres-sivement. Certains secteurs ont été fermés depuis la dernière fois. Le bâtiment résiste parce qu'il est construit en pierre, recouvert de pisé décoratif. Quelques travaux électriques, curieusement, ont été effectués avec la présence de fils et prises électriques hors d'usage mais récents.
Photo 9, la cour de l'aouach.
On sait que la monarchie alaouite n'a jamais pardonné au Glaoui d'avoir choisi le camp des français lors de la période de pacification, d'avoir poussé à l'exil de Mohamed V à Madagascar, et d'avoir fait allégeance à celui-ci à son retour lors de l'indé-pendance. Refus systé-matique des souverains successifs de redonner à cette casbah son lustre d'antan, de la rénover et d'en faire un attrait touristique bien utile pour le village actuel et ses habitants. Malgré tout, les touristes européens ou marocains s'y précipitent et regrettent cet état des choses.
Certains décors en zelliges, en bois de cèdre, en miniatures colorées rendent compte de la magnificence passée de cette citadelle, résistent tant bien que mal à l'érosion et aux courants d'air. On remarque l'ancien éclairage indirect aux fils gainés en tissu, et les cheminées de chauffage central. Les portes richement peintes se maintiennent debout.
Photos 10 et 11, le chauffage et les zelliges
Grand dommage ! Si cette casbah était restaurée comme elle le mérite, elle ferait office d'oeuvre d'art, attirerait davantage de monde, servirait l'Histoire, aiderait l'économie locale, …
Espérons qu'un jour la prise de conscience se fasse.
Photo 12, le panorama depuis la fenêtre en fer forgé.
Toujours les mêmes photos prises depuis la fenêtre en fer forgé ouvrant vers les champs où paissent le bétail et les mulets, vers la maison de Nana, notre nourrice, de son vrai nom Fatima BELKHEIR, décédée à 90 ans après une vie très active.
Fatima BELKHEIR faisait partie des favorites du Glaoui lors de l'indépendance et a pu s'esquiver par une porte dérobée au moment où les militaires venaient prendre possession de la casbah en mars 1956. Sa vie est une véritable aventure qui méritera d'être contée plus tard.
Quittant Telouet, nous prenons la direction d'Aït Ben Haddou, non sans quitter la route principale dix kilomètres plus loin pour jeter un oeil rapide à la mine où des esclaves subsahariens extrayaient le sel pour le compte du Glaoui. Le site est maintenant abandonné, mais les pauvres installations maintenues témoignent de la vie difficile des travailleurs, rendus malades par le sel, et prisonniers d'une vallée fortifiée d'où il était impossible de s'échapper. Une autre fois nous prendrons le temps de visiter en détail l'exploitation.
Nous longeons la vallée pendant quarante kilomètres par une route goudronnée, agréable desservant les villages situés en bord de l'oued Ounila encastré entre des falaises escarpées encadrant les cultures en terrasse, et au sommet desquelles se nichent des greniers troglodytes. La route traverse des sites magnifiés par les tableaux de Majorelle dans les années 20, aux casbahs à la beauté altière, dont l'une a même servi d'affiche à Air France lors du Protectorat.
L'arrivée à Aït Ben Haddou est gâchée par le stationnement de dizaines de cars de tourisme dont les passagers envahissent les lieux, formant une chenille humaine jusqu'au sommet. Nous abandonnons le projet de visite, tout juste un arrêt rapide à la sortie du site nous autorise quelques photos ensoleillées avant de repartir pour Ouarzazate, où nous arrivons par la longue avenue « royale » bordée de lampadaires et de palmiers sur cinq kilomètres, jusque dans les quartiers périphériques abritant la misère et la pauvreté.
Photo 14, Aït Ben Haddou et son défilé de touristes jusqu'au sommet
La suite au prochain numéro, très prochainement.
Bonne annéeà ceux qui en ont besoin pour recouvrir la santé, profiter des plaisirs de la vie et de la Joie en famille.
UNE ESCAPADE GASTRONOMIQUE DANS LA VILLE ROUGE
Les anciens iminiens ont des souvenirs marquants de leurs déplacements à la grande ville, Marrakech ! Et chacun peut raconter des moments festifs connus lors de ces visites à la capitale du sud. En particulier, nous profitions des restaurants que nous offrait Marrakech, et du changement de vie et d'habitudes.
1 - Le village rose de Boutazoult
Parfois nous quittions notre village aux maisons roses, tachées de noir par le manganèse des mines de l'Imini, traversions le Haut Atlas pour « descendre » à Marrakech la Rouge.
2 - Le village noir de Timkkit
Les jours précédant ce déplacement notre excitation croissait jusqu'à l'heure du départ, et nous ne craignions pas de quitter notre lit douillet pour partir sous la clarté d'une lune déclinante.
Aux premiers rayons du soleil, après avoir traversé le bourg ensommeillé d'Igherm N'Ougdal et franchi la barrière des Ponts et Chaussées, nous abordions les virages plus serrés du col du Tichka, puis attaquions la descente sinueuse jusqu'à Taddert.
3 - La route sinueuse du Tichka, sérieusement améliorée récemment. Mais les camions se sont-ils améliorés aussi ?
Le danger ne venait pas que de la route elle-même, il fallait lire aussi les trajectoires des véhicules venant à notre rencontre, souvent irrespectueux du code de la route, ou imprudemment arrêtés en bord de route. En panne souvent, capot relevé, radiateur fumant, ou chauffeur allongé sous le châssis à colmater une fuite. Une fois dépassé le village de Toufliht à la source bienfaisante, la route s'améliorait progressivement jusqu'à Aït Ourir, puis devenait roulante jusqu'à la ville.
4 - Village de Toufliht, sous la route, bled d'où étaient issus nos amis Bou Tazoulti Aomar Noukrati et Mohamed Douider, surnommé Ben Ali.
5 - Aït Ourir, village bien connu pour son auberge, étape prisée des iminiens.
L'arrivée à Marrakech, pour nous, était comparable au mirage rencontré par les méharistes dans le désert. Nous n'osions y croire, tant la cité Rouge nous éblouissait par la luxuriance de sa végétation colorée, par ses artères larges bordées d'habitations élégantes et fleuries !
6 - Végétation luxuriante de Marrakech, près du jardin Majorelle.
Après le passage devant la gare routière de Bab Doukkala, les effluves des faux poivriers et des orangers amers bordant les rues flattaient nos narines ouvertes à tout vent, quand les pétarades des vélomoteurs ne venaient pas s'immiscer dans leur fragrance délicate. Un parfum caractéristique de néroli ressenti encore aujourd'hui, gardé en mémoire … malgré notre éloignement de ce Maroc embaumant.
7 - Avenue Mangin bordée d'orangers, … et ses fumées d'échappement.
8 - L'escalier de la villa SACEM, avec son gardien Aomar Noukrati.
Nous allions séjourner dans la rue Sebou, à la villa S.A.C.E.M., du nom de la société employant mon père. Que de souvenirs dans cette asile verdoyant en centre ville, malheureu-sement détruit au profit d'un immeuble neuf.
Le confort y était sommaire mais les différents locaux d'hébergement permettaient de retrouver des amis et de faire des rencontres imprévues. Le directeur et sa famille occupaient l'appartement supérieur gagné par un escalier maçonné. Tandis que deux studios occupaient le rez-de-chaussée semi enterré et intelligemment agencé. Une « cuisinette », comme l'on disait à l'époque permettait à chacun des préparations chaudes pour les repas, … et c'était aussi l'occasion de « pipleter » autour du réchaud, de partager les dernières nouvelles, tout en gardant un oeil sur les enfants jouants sous le préau.
Le gardien et sa nombreuse famille logeaient dans un coin de la propriété, dans le prolongement des dernières chambres, contiguës au garage du car de la société. Ce car dont le chauffeur, deux fois par semaine, avait la charge de faire les courses pour les habitants d'Imini.
Au pied des bâtiments cheminaient des allées bordées de briques rouges, dans le jardin arboré d'agrumes et planté de rosiers aux parfums délicats, soigneusement entretenu, nettoyé et arrosé par le gardien. Nombre de photos souvenir y ont été réalisées par les « locataires » de passage, venus goûter à la grande ville ce qu'ils n'avaient pas dans leur bled.
Le jardin était aussi un terrain de cache-cache avec les enfants du gardien, des courses effrénées dans les allées pour trouver la cachette appropriée.
La rue Sebou se prolongeait vers l'église des Saints Martyrs et le lycée Mangin en traversant l'avenue Mangin xxxxxxxxxxxx 9 - Église des Saints Martyrs
Des points communs avec nous, puisque l'église des Saints Martyrs a contenu des fresques peintes par Dom BOUTON, à l'identique de notre chapelle de Bou Tazoult. Et que le lycée Mangin a hébergé plusieurs élèves venus des mines d'Imini, dont moi.
10 - Lycée Mangin.
Sitôt la voiture garée et les valises posées dans notre nouvelle chambre, nous quittions au plus vite la villa pour gagner le quartier du Gueliz en inspectant soigneusement les vitrines des magasins : spectacle inédit pour nous les bledardsdu sud. Suivant notre âge, certaines vitrines attiraient davantage notre attention. Je me souviens particulièrement de la vitrine du marchand de jouets, vitrine animée à Noël par un train électrique commandé par le contact de la main sur la vitre. Ah, combien je l'ai aimé ce marchand de jouets !
Maman et les filles visaient plus particulièrement les magasins d'habillement et de chaussures, tandis que Papa se réservait pour son rendez-vous dans le magasin de matériel minier installé dans la rue de Yougoslavie toute proche. Mais le meilleur restait à venir …
A Marrakech pour déjeuner nous avions nos habitudes dans plusieurs établissements, tant en ville du Gueliz qu'en médina. De toute façon, nous les enfants, nous étions contents de tout changement dans notre vie. L'attrait des achats, les marchandages dans les souks, tout nous plaisait. Sans oublier les repas dont l'ambiance variait en fonction du restaurant. Nous en avons fréquenté beaucoup, et apprécié quelques-uns pour leur accueil, leur décor, leur carte succulente, leur animation, parfois la seule personnalité du patron ou du serveur.
Notre sélection : La Taverne, le Rex, Le Poussin d'Or, le Petit Poucet, … et j'en oublie. Certains existent encore, tout en ayant fatalement changé plusieurs fois de propriétaires, d'ambiance, de menu. Une banque a remplacé le Rex. Beurk ! La Taverne et le Poussin d'Or persistent à régaler les gourmets.
11 - La façade rose du Petit Poucet
« Le Petit Poucet »: j'ai fréquenté cette institution de cuisine française à Marrakech, au coin de l'avenue Mangin et de la rue Verlet Hanus, dans la période 1952-1968.
Une façade rose à rayures blanches, une grande baie vitrée à guillotine, en métal vert, s'ouvrant largement au courant d'air quand la chaleur le commandait. La climatisation n'existait pas encore, et les arcades apportaient l'ombre indispensable aux clients désireux d'occuper les tables du premier rang.
La porte d'entrée voisine menait à un petit couloir dirigeant vers une salle vaste, haute de plafond, aux tables nappées de blanc et dressées de vaisselle blanche brillante.
Se détachant sur la peinture vert celadon des murs, sise entre la porte des cuisines et celle des toilettes, trônait le comptoir en bois brun de la caisse tenue par une dame d'âge mûr coiffée d'un chignon sage. Immuable présence, presque surnaturelle, … mais rigoureuse dans les comptes et attentive au bon déroulement du service en salle. Très discrètement, d'un geste simple elle savait quand intervenir auprès du serveur, ou de sa voix doucereuse auprès de son mari lors de la prise des commandes. Les clients se sentaient chouchoutés, et leur satisfaction était l'objet de toute son attention depuis son petit comptoir.
Malgré le volume de la pièce et l'amplitude des conversations des clients, peu d'éclats de voix venaient perturber la sérénité du service et le calme souverain du serveur : la saveur des plats retenait toute l'attention des dîneurs.
Aller au restaurant était une fête. Surveillés par nos parents, nous nous tenions bien à table, droit sur notre siège, les mains de chaque côté de l'assiette, sages, propres, polis et respectueux dans nos conversations. Nulle envie de gâcher ces moments rares.
12 - Melon vert, dont la peau imite les zelliges marocains.
C'est là que nous avons découvert le melon vert, ce gros melon au goût sucré, servi coupé en deux, rafraîchi par des glaçons, que les adultes pouvaient additionner d'une rasade de Porto. Un délice avant le plat principal … lequel arrivait quand notre faim avait subi un net coup d'arrêt devant la taille du plateau de hors d'oeuvre variés intercalés. Nos yeux étaient déjà plus gros que le ventre. Mais comment refuser les trois petites côtelettes d'agneau grillées, si bonnes et installées sur un lit généreux de haricots verts et de pommes de terre sautées.
Ouf ! Non pas ouf ! Parce que le dessert suivait, à choisir parmi la corbeille de fruits, la crème caramel, la mousse au chocolat et autres fantaisies pâtissières. Repus, nous l'étions, certes ! Repus et ravis d'avoir participé à de telles agapes inhabituelles dans notre bled.
Cela ne brisait pas notre élan pour courir les magasins pendant l'après-midi, pour rendre visite aux commerçants déjà connus et pour en découvrir d'autres selon les besoins et les envies.
C'était les années soixante ! Nous avons quitté le Maroc en 1968, avant d'y revenir pour un passage professionnel plus furtif.
13 - Hôtel La Menara, ancien hôtel luxueux à l'époque, mais qui a fermé depuis à cause de sa décrépitude.
En 2001, plus exactement au mois de mai, j'ai eu plaisir de retrouver le petit Poucet lors d'un séjour touristique pour y accompagner Maman dans sa quête de souvenirs. A peine débarqués de l'avion, une fois les bagages déposés à l'hôtel La Menara, pressés de retrouver nos traces dans cette ville attachante, un petit taxi nous a conduit directement au petit Poucet pour y déjeuner.
14 - La flotte des « Petit taxi » marrakchi a bien évolué depuis, et s'est modernisée.
Toujours installé dans l'avenue Mohamed V. Le nouveau propriétaire, très accueillant et souriant, était marocain. Toutefois le site était resté identique, avec la terrasse donnant sur la rue voisine, maintenant baptisée Mohamed El Beqal. De hautes toiles tombaient du plafond pour protéger du soleil les clients installés devant la baie vitrée.
Le murs étaient toujours habillés de la même fresque figurant le Petit Poucet enjambant l'ogre étendu sur l'herbe. Même après son ultime déménagement, un peu plus loin sur l'avenue devenue Mohamed V, la fresque immense, transportée, dominait encore la salle.
15 - La vitrine du Petit Poucet protégée par des toiles à la saison chaude (derrière l'enseigne XBEL).
Derrière les toiles tendues sous les voûtes pour protéger des assauts du soleil sur la vitrine, le petit Poucet résiste.
Mais, envolée la caissière au chignon, et avec elle son comptoir devenu inutile.
Des personnes connues lors des années soixante, seul restait l'inamovible serveur, légèrement dégarni, à peine plus bedonnant, élégant dans son éternelle veste blanche immaculée. Affable et débonnaire. Il cumulait service et prise de commande, sous les yeux de son nouveau patron, charmant mais inactif, lui laissant la responsabilité de tout le travail quand la salle n'était pas remplie.
Pas de changement notable dans le menu non plus. La cuisine était restée à l'identique, copieuse, agréable, simple, … bonne en d'autres termes. Affamés par le voyage et déçus par les plateaux servis dans l'avion, nous avons fait honneur au repas, avec les éternelles côtelettes d'agneau retrouvées sur la carte.
… mais nous étions sans le sou ... marocain pour payer l'addition. Pas de problème : le distributeur automatique de la BMCE Banque installé de l'autre côté de l'avenue Mohamed V devait me permettre de retirer l'argent nécessaire. J'y cours … mais horreur : il est en panne. Me voilà, nous voilà bien embêtés. Que faire ? Sinon avouer notre embarras au serveur. Celui-ci, plein de sa bonhommie habituelle, sans même en référer au patron nous rassure et nous convie à repasser payer plus tard, quand nous aurons trouvé un distributeur efficace. Nous sommes restés cois, car sur la foi de nos conversations tenues à table il en avait déduit que nous étions des anciens du Maroc, des habitués du restaurant et il nous faisait confiance, … et son patron également.
Nous voilà partis, à l'aventure dans la grande ville, tellement changée depuis nos séjours antérieurs. La griserie du retour, la succession des découvertes nous ont fait oublier cet épisode du restaurant, et ce n'est que le lendemain matin que, honteux et confus, la chose nous est revenue à l'esprit.
Dès lors, laissant en plan nos envies de parcours dans Marrakech, nous sommes retournés déjeuner au Petit Poucet pensant le patron et le serveur inquiets de ne pas nous avoir revus la veille au soir. Que nenni ! Ils nous ont accueilli comme si nous étions des nouveaux clients, nous ont installé à la meilleure table, … et nous ont annoncé, preuve en main, que nous avions eu raison de ne pas payer la veille parce qu'il y avait une erreur dans l'addition, erreur en notre défaveur. Un coup de Monopoly ? Effectivement après calcul nous aurions été amputés de quelque chose comme 6 Dh. La galère ! Près de 50 centimes d'euro ! Ouille, ouille, ouille la tuile (lol). Tout est bien qui finit bien après avoir réglé la totalité des deux additions. Bien entendu le pourboire a été conséquent pour le serveur, à la satisfaction de son patron, souriant jusqu'aux oreilles.
Plus tard le restaurant a émigré temporairement au 56 avenue Mohamed V, non loin de là vers la route de Casablanca.
Et il a disparu définitivement au début des années 2000, emportant avec lui la fresque célèbre du Petit Poucet, à l'artiste méconnu.
La retrouvera-t on à Bab Khemis dans le fatras des vieilleries en vente ? Avis aux chineurs, on ne sait jamais.
Malgré sa disparition définitive, le restaurant est toujours présent sur les annuaires :Le Petit Poucet 56 avenue Mohamed V 40000 Marrakech Téléphone :+2+212 524 448 238.Tentez votre chance, réservez une table … virtuelle !
Si vous possédez la photo de la fresque du Petit Poucet ou du restaurant lui-même, n'hésitez pas à les envoyez au webmaster pour l'installer sur le blog.
Merci à Jean-Yves pour sa mémoire liée à ses émotions gastronomiques de jeunesse. Merci à lui de montrer un chemin pour nous encourager à raconter les personnes et les lieux qui peuplent nos souvenirs.